« Trouver le bon tempo est la clé d’un projet de transformation »
En 2005, le Groupe SNCB a été restructuré, passant d’une entreprise unitaire à trois sociétés autonomes entretenant des relations clients/fournisseurs: la SNCB, Infrabel et la SNCB- Holding. En tant que shared service provider pour l’ensemble du Groupe SNCB, ICTRA (ICT for Rail) a reçu pour mission d’accélérer l’informatisation et la modernisation de ses partenaires dans ce nouveau contexte. L’une des principales initiatives fut la mise en œuvre d’un système ERP SAP, à travers l’un des programmes les plus ambitieux de ce type : le programme Mind3.
Au-delà de son rôle instrumental pour transformer le Groupe SNCB à travers ce programme, ICTRA s’est également fixé d’ambitieux objectifs pour revoir sa propre organisation. Le besoin de professionnaliser ses services s’imposait, suite à l’exigence d’une gestion toujours plus efficace et de qualité. C’est dans cette optique qu’ICTRA a choisi de lancer un programme de modernisation radicale de ses propres processus et outils de gestion financière, complémentaire au projet Mind3. Pour cadrer son projet de transformation financière, ICTRA s’est adjoint l’appui d’une équipe de chez Deloitte. « Nous avons souhaité travailler avec un partenaire externe pour prendre du recul et de la hauteur par rapport à nos méthodes de travail », introduit Eric Mercier, General Manager chez ICTRA.
Se réinventer
En tant que fournisseur d’ICT pour le Groupe, ICTRA avait un double rôle dans le projet SAP: être à la pointe de l’outil et contribuer à son implémentation technique. « Nous étions à la fois client et prestataire, résume Eric Mercier. Avec la restructuration du Groupe, nous allions vers une toute nouvelle organisation. Il nous fallait réinventer nos processus et adapter nos systèmes, tout en prévoyant les besoins à venir. Il fallait donc réussir à imaginer les solutions aux problèmes de demain. Ce fut un projet très lourd, mais aussi très innovant. Nos prévisions devaient coller à la situation de 2008, mais aussi de 2009, 2010 ou 2011. »
« A refaire, je communiquerais encore davantage pour traduire le langage technique en termes parlants pour l’opérationnel. »
De son côté, l’ensemble du projet de transformation financière d’ICTRA s’est étalé sur deux ans. Il avait aussi pour vocation d’améliorer l’engagement de la division financière, de gagner en crédibilité, tout en prouvant ses compétences en tant que Business Partner au sein d’ICTRA. La première phase a été dédiée à l’alignement et à la définition des SLA, étape préliminaire importante pour garantir une adéquation des budgets et du modèle de coûts avec les besoins définis. Une roadmap précise a été prévue sur un an et demi. Faciliter la vie des utilisateurs s’est inscrit en filigrane de toutes les étapes.
« Nos modes de planning et de reporting étaient trop lourds et nos données étaient encore souvent gérées sur des fichiers Excel. Nos estimations budgétaires n’étaient pas toujours très précises. Nous avons profité du projet pour changer cela et devenir plus flexibles. La facturation a aussi été revue. Nos clients voulaient un degré de précision plus important, ils nous ont beaucoup challengés. Récolter la bonne information au bon moment était un enjeu important », partage Sammie Courtens, Head of Finance chez ICTRA.
Tout redessiner
Une étude de cas réalisée en février 2012 par le Prof. Stijn Viaene et Luc Lutin de la Vlerick Business School, ainsi que Nathalie Demeere, et Olivier Jolyon de chez Deloitte, dans le cadre de la Chaire Bringing ICT to Board Level, met en évidence l’importance pour ICTRA d’avoir mené ces transformations. Ce projet s’est révélé déterminant pour rester compétitif dans un contexte de libéralisation du marché des transports.
Jouant un rôle de moteur au sein du groupe, l’entreprise a saisi l’opportunité du programme pour se professionnaliser et convaincre ses partenaires par la même occasion.
« La première partie du projet devait supporter la division financière, tout en correspondant aux changements que vivait le Groupe. Elle nous a mené à changer notre organisation, et redéfinir nos produits et services, appuie encore Sammie Courtens, Head of Finance chez ICTRA. La deuxième phase nous a permis d’implémenter plusieurs outils complémentaires, comme Palo, un outil coordonnant le budget, qui nous a grandement facilité la tâche. »
Début 2011, la dernière phase a débuté, avec l’implémentation de l’outil SAP BPC, introduit dans un deuxième temps pour relayer Palo sur le budget. « Commencer par tester Palo était une transition importante pour ne pas bruler les étapes et perdre des utilisateurs en chemin. Le décalage aurait été trop important », ajoute Eric Mercier. Grâce à l’outil, les managers peuvent désormais mieux maîtriser les volets budget et contrôle de leurs activités. Leurs rapports ont également gagné en précision et leurs achats sont mieux suivis. « La plateforme leur donne un cadre », continue-t-il.
Passage de relais
Le but était aussi que chaque équipe s’approprie les outils et soit autonome rapidement. « Les managers ont été formés à deux niveaux. Dans le cadre de l’utilisation du système SAP, le projet Mind3 (Open your Mind, Change your Mind, Make up your Mind) a organisé des sessions pour les former dans les différents modules, explique Sammie Courtens. Pour le modèle financier, la division financière d’ICTRA a donné des séances spécifiques pour le management autour des processus financiers – planning, budget, costing, tarification –, de l’utilisation du nouvel outil pour le budget ainsi, que pour l’utilisation des rapports. Dans le passé, la division financière avait toujours eu un rôle de supervision. En faisant ce projet, nous avons adopté un rôle de coach afin de supporter les managers dans leurs analyses et prévisions. »
« Seule, la technique ne sert à rien, il faut garder à l’esprit que ce sont les processus sous-jacents et la maturité liée qui importent ».
Ces managers formés ont ensuite fait percoler les changements à travers l’organisation. « Leur tâche était de traduire cette nouvelle maturité financière dans toutes les divisions opérationnelles, soutient Eric Mercier. Le succès de ce type de projet repose sur quelques personnes qui jouent le rôle de moteur. A refaire, je communiquerais encore davantage en traduisant mieux le langage technique en termes parlants pour l’opérationnel. » Définir le bon niveau d’exigence et de précision s’est révélé crucial. L’idée n’était surtout pas d’installer une usine à gaz.
« Nous ne voulions pas viser trop haut tout de suite, ni nous encombrer d’éléments inutiles », défend Sammie Courtens. « Le défi est souvent de prouver aux utilisateurs la valeur d’un nouveau système au quotidien. Bien expliquer ses avantages prend du temps, tout le monde doit pouvoir en connaître les coûts, le ROI etc. Se focaliser sur la valeur est déterminant », le rejoint Eric Callewaert, Partner chez Deloitte.
Rythme de croisière
Parmi les facteurs de succès d’un tel projet, le soutien et la disponibilité du management sont des conditions sine qua non. « La clé du projet a été de trouver le bon tempo et le niveau d’information pertinent, poursuit Eric Callewaert, la vitesse dépend de l’ampleur de la transformation. Il fallait allier IT, finance et opérationnel. En allant trop vite, on perdrait les utilisateurs. Si le rythme est trop lent, les utilisateurs ne voient pas assez vite des résultats. »
« La continuité a été un élément décisif, renforce Sammie Courtens. Nous avons dû tenir compte de tous les autres projets en cours. Cerner le même objectif final est aussi déterminant. Seule, la technique ne sert à rien, il faut garder à l’esprit que ce sont les processus sous-jacents et la maturité liée qui importent. »
L’implémentation de l’outil étant aujourd’hui terminée, ses utilisateurs doivent à présent se familiariser avec ses différentes potentialités. « Il a fallu faire preuve de conviction et impliquer les personnes réticentes, conclut Eric Mercier. Aujourd’hui, nous n’avons plus de consolidation à faire, il reste quelques petites adaptations. A la base conçue comme un outil financier, la plateforme devient de plus en plus un outil de management. Beaucoup de profils opérationnels viennent nous voir avec des questions ou des demandes complémentaires, c’est une grande source de satisfaction. Le projet n’est plus seulement vu comme une contrainte. »