« Notre rôle est d’aider le business à prendre les bonnes décisions »

Astrid Anciaux (Steria)

Engagée par l’ancêtre de Steria Belgique à la sortie des auditoires, Astrid Anciaux fêtera cette année ses 26 ans de carrière au sein de cette société de services en ingénierie informatique. Depuis la création d’une filiale belge en 1971, le visage et les activités du groupe ont bien changé, le rôle de son CFO également.

Le parcours d’Astrid Anciaux, aujourd’hui CFO pour le Benelux, s’inscrit en filigrane de l’histoire du groupe. « Depuis mes débuts, je n’ai jamais souffert de l’ennui et j’ai toujours trouvé des sources d’apprentissage. Notre secteur est en constante évolution et génère beaucoup de diversité. L’IT reste une industrie où il y a encore beaucoup de choses à construire, c’est très excitant », explique t-elle. Diplômée en comptabilité et gestion à l’Ephec, Astrid Anciaux rejoint Steriabel en 1987, après une année passée au sein d’un bureau comptable. « Cette première expérience fut très formatrice: j’ai eu la possibilité de travailler sur des dossiers variés et de découvrir des contextes de travail très différenciés, raconte-t-elle. C’est un bon démarrage dans une carrière financière: avec peu d’expérience, ce type de métier offre rapidement des responsabilités. En 1987, j’ai eu l’opportunité de rejoindre le groupe. Le secteur était en pleine expansion et, contrairement à beaucoup d’acteurs de l’IT essentiellement axés produits, Steriabel était déjà orientée conseil, c’est ce qui m’a attirée. A cette époque, nous étions environ 300, ce qui était déjà conséquent pour le marché belge. »
En vingt ans, l’IT a fait un bon de géant, même si, dans les années 80, il y avait déjà des technologies multiples. « Une bonne partie d’entre elles a disparu aujourd’hui. Il n’y a jamais eu un seul standard, ni une vérité unique. C’est ce qui fait le charme du secteur. Il exige qu’on se renouvelle constamment, dans sa vision et dans ses compétences. »  

Premiers pas

Faite de rebondissements et d’acquisitions, l’histoire de la filiale belge du groupe Steria n’a pas été un long fleuve tranquille. Fondé en 1969 en France et coté à la bourse de Paris, le groupe est aujourd’hui présent dans 16 pays. Son cœur de métier réside dans les services IT et le Business Process Outsourcing (BPO). A la tête d’un réseau de 20.000 employés dont environ 300 dans le Benelux, Steria a fait plusieurs passages en Belgique. Dès 1971, soit peu de temps après la naissance du groupe et sous l’impulsion de son fondateur Jean Carteron, Steria s’implante en Belgique. En 1986, la Banque Bruxelles Lambert, alors actionnaire à quelque 49% des parts et partenaire local à la fondation, cède sa participation au groupe sidérurgique Sidmar. « A la fin des années 80, il y avait une tendance à la diversification conglomérale au sein des grands groupes. Certaines structures voulaient sortir de leur core business pour investir et l’IT était souvent vu comme une zone d’extension potentielle. La cohabitation s’est révélée compliquée. En 1988, le groupe Steria a donc cédé ses parts et s’est retiré du marché belge. » Steriabel donne alors naissance à Informabel, avec pour stratégie de s’étendre au plan géographique. Plusieurs entités ont rapidement été créées.

Retour en Belgique

Au début des années 90, Informabel se rapproche de Telindus, une société belge spécialisée dans la connectivité. Le groupe Telinfo voit le jour. « C’était le mariage entre une société axée produit et une société orientée services, commente Astrid Anciaux. Trouver un futur commun n’était pas chose facile. Beaucoup de personnes ont choisi de quitter la partie service. Cela coïncidait avec l’envie de Steria de revenir en Belgique, toujours sous l’impulsion de Jean Carteron. » Collaboratrice chez Telinfo, cette dernière est contactée par Steria afin de participer à l’éclosion de cette nouvelle filiale. Elle est alors chargée de mettre sur pied tout le département financier.

« L’évolution du contexte économique fait qu’il y a de plus en plus d’attentes vis-à-vis de la finance. »

L’entité compte une trentaine de personnes, dont une bonne partie d’anciens de Steriabel. « Nous avons apporté à la jeune structure des activités bien établies, des projets en cours et certains clients fidèles. Steria Belgique avait une base pour redémarrer de plus belle. J’ai eu l’opportunité de contribuer à tout reconstruire, du choix des systèmes de reporting, à l’analyse, à la consolidation… Et ce, avec l’appui d’un groupe qui voulait vraiment se réimplanter sur le territoire, ce qui a été un facteur de succès. Je suis passée d’une équipe de dix personnes chez Informabel à une situation où je devais tout gérer seule. C’était très enrichissant, surtout que le début des années 90 était alors dans un cycle de crise économique, ce qui était peu propice à la création d’une entreprise. Ces différentes phases de l’histoire du groupe ont été passionnantes sur le plan financier. »

Reprises majeures

L’histoire du groupe se poursuit par des acquisitions durant les années 90. La nouvelle filiale rachète le centre de recherche spécialisé en intelligence artificielle de la Générale de Banque. « Ce rachat nous a donné des compétences et une ampleur pour croître », soutient Astrid Anciaux. En 2001, le groupe Steria acquiert Integris, la partie service du groupe Bull. En Belgique, cela représente un défi de taille. La filiale, qui rassemble environ 70 personnes, doit accueillir près de 300 personnes.
« Dès 2002, ce rapprochement a donné une toute autre dimension à Steria et lui a permis de revenir à une taille comparable à celle de l’ancienne Steriabel. Il a aussi contribué à une volonté de modernisation et de restructuration en élargissant son panel d’activités, en particulier au niveau du secteur public. L’intégration d’une entité qui faisait quatre fois notre taille a été à la fois un choc culturel et une source de travail intensive. C’est, en tout cas, une étape intéressante de mon parcours. »
L’entreprise doit réussir à faire percoler ses valeurs, sa culture et ses méthodes de travail auprès de l’ex-Integris, davantage axée sur les services issus du monde du produit. « En Belgique, nous étions en quelque sorte un acheteur minoritaire. Trouver l’équilibre ainsi qu’une culture commune a été un défi important. Il a fallu aussi progressivement harmoniser les systèmes et remettre toutes les mesures en place sur le plan financier. La division Integris était comme une coquille sans système. Nous avons dû  mettre en place des processus communs et s’assurer de l’adéquation de ceux-ci. Dans ce type de projet, il ne faut pas négliger le temps que tout cela prend. Assainir la situation ne s’est pas fait sans douleur et certains licenciements ont été inévitables des deux côtés. » Un délai de deux ans a été nécessaire pour que l’entité n’en fasse vraiment plus qu’une, sur papier et dans la pratique.

Chantier IT

En 2003, l’ensemble du groupe s’est lancé dans l’adoption d’un ERP signé Oracle. Toutes les filiales ont migré vers une nouvelle plateforme. En parallèle, le rythme de closing mensuel doit respecter un calendrier mis en place au niveau groupe, afin que toutes les phases soient équilibrées et que l’information intra-groupe circule bien. Et Astrid Anciaux de poursuivre: «Après nous être concentrés sur le redémarrage sur le plan local, nous sommes passés à un projet d’implémentation d’un système au niveau groupe. L’analyse d’écart qui a suivi nous a permis de mieux connaître les autres entités du groupe, ainsi que les contraintes de chacun. Cela a été un projet très intensif, fait de reprise des informations et d’apprentissage de nouveaux modes de traitement des données. Il fallait familiariser les équipes et récupérer les données projet, qui sont au cœur de nos activités, tout en assurant le day to day et en étant une entreprise qui commençait à trouver sa place. »
En 2004, le groupe obtient un contrat important dans le secteur bancaire à Luxembourg, le poussant à créer une structure locale autonome et dotée du label PSF, une obligation légale. Certaines activités existaient déjà dans la place, mais dans le cadre d’une succursale, toujours détenue par Steria. « Steria PSF Luxembourg était la troisième entreprise à recevoir l’agrément PSF après sa création. Cela a représenté beaucoup de travail en interne, en matière de documentation, de sécurité, de respect des règles d’anti-blanchiment d’argent, d’audit interne afin que les exigences de la loi et des circulaires de la CSSF soient respectées. »

Ambitions européennes

Un des projets phares du groupe Steria est le projet Schengen signé avec la Commission européenne en 2004. Piloté par la Belgique, ce projet européen se divise en deux sous-ensembles destinés à développer de nouvelles applications en matière de contrôle à l’entrée et des mouvements de personnes et de biens au sein de l’espace Schengen. Projet le plus international du groupe, il occupe une cinquantaine de spécialistes, ce chiffre montant à 70 lors des périodes charnières.

« Les employés ne possède pas seulement un morceau de papier, ils savent qu’on représente leurs intérêts. »

« C’est un projet d’envergure pour la zone Benelux, soutient Astrid Anciaux. Il coïncide avec la création d’un département financier centralisé pour la Belgique et le Luxembourg depuis Bruxelles. Ce département suit tous les projets, leur développement stratégique et gère les deux entités. Etant donné la proximité géographique avec les institutions, le développement du projet Schengen a démarré en Belgique. Aujourd’hui, la plupart des acteurs du projet sont à Bruxelles, même si une partie est à Strasbourg. »
Pan-européen, ce grand projet a mobilisé toutes les entités du groupe et encouragé un partage de connaissances sans précédent. « C’est un projet commun très fédérateur. Il a mobilisé beaucoup de compétences et d’énergie, et a nécessité beaucoup de suivi financier. Le contexte de travail est également exigeant, de par la nature de la réalisation et la complexité de l’environnement du client. Nous avons travaillé avec des collaborateurs espagnols, suisses, anglais, luxembourgeois, allemands, suédois… Le groupe a rassemblé ses meilleures ressources. Ce partage d’expériences et ces rencontres ont été très riches. »

Acquisition allemande

Le volet VIS concernant l’application qui gère le contrôle des visas à l’entrée de l’espace Schengen est déjà déployé et est en service depuis octobre 2011. Le projet SIS II, application de deuxième génération, destinée à suivre les signalements de personnes et d’objets au sein de l’espace Schengen est toujours en cours et mobilise encore les équipes de Steria. Il se terminera dans le courant de l’année 2013. Réalisé en collaboration avec Mummert Consulting, dès 2004, le groupe Steria a procédé au rachat de cette entreprise allemande en 2005.
« Il y avait beaucoup de compétences dans cette société. Son rachat a été très positif pour le groupe. De sous-traitants extérieurs, ses experts sont devenus des collaborateurs en cours de projet », complète Astrid Anciaux.
Poursuivant sa stratégie de croissance par acquisitions, en 2007, Steria rachète Xansa, une entreprise anglaise possédant une entité de 5.000 personnes en Inde, et 3.000 collaborateurs en Grande Bretagne. « On est passé d’un groupe de 12.000 salariés à près de 20.000. Xansa nous a apporté des capacités à réaliser des projets en off-shore, ainsi que des compétences en BPO. Toutes ces acquisitions permettent au groupe de trouver des réponses complémentaires aux besoins de ses clients ainsi que de leur proposer un modèle industrialisé basé sur l’excellence, la performance et la rentabilité. »

Relais d’information

Aujourd’hui, Steria Benelux emploie quelques 310 collaborateurs, dont 30 sous-traitants externes, 210 en Belgique et environ 70 à Luxembourg. Son département administratif et financier rassemble 11 personnes dont sept affectées à la finance : trois à tout ce qui concerne la comptabilité, le recouvrement client et la trésorerie et quatre personnes dédiées à la gestion des contrats et au controlling.
« Chaque personne doit bien connaître toute la vie d’un projet et avoir une vision globale. J’insiste sur la collaboration entre finance et opérationnel. Identifier un budget pour une offre avec les chefs de projets est très important dans notre activité. Je vois l’équipe financière comme un relais d’informations pour les responsables d’activités. Le terrain a besoin de données fiables. Notre rôle est d’aider les chefs de projets à prendre les bonnes décisions: c’est un des ingrédients pour que la finance soit reconnue dans l’entreprise. J’ai la chance de travailler avec des collaborateurs complémentaires et qui sont dans l’entreprise depuis longtemps. Ils connaissent bien l’historique de nos clients. Sans équipe la fonction n’est rien. »
Pour rapprocher encore davantage finance et opérationnel, un comité de pilotage a été mis en place pour confronter les visions financières et opérationnelles. Il peut être mensuel ou trimestriel, selon la taille du projet. En cours de route, il permet de prendre du recul pour déterminer si un projet est toujours en phase avec ce qui était prévu. « Son but est de vérifier la santé du projet, de réaligner tout le monde et réaffirmer les priorités. Nous souhaitons mettre en place cette dynamique dès la réalisation d’une offre afin de déterminer, dès ce moment-là, toute la cartographie des risques. »

Harmonie groupe

En tant que membre d’un groupe international, le rôle du département financier belge est aussi de répondre aux obligations importantes en matière de reporting. « Le groupe doit toujours être informé de la santé de ses entités. Le reporting se fait tous les mois au moment de la clôture, de même que le volet prévisionnel. Vu la cotation en bourse, ces efforts de documentation sont importants. Fin juin et fin décembre, une consolidation globale est établie. Ces points étoffent le volume et le calendrier en matière de reporting et d’analyse. Il y a constamment deux niveaux d’attention: groupe et entité. »
Des outils groupes, comme l’ERP Oracle et ses différents modules, Essbase pour le reporting ou Kyriba pour les paiements, sont également utilisés par toutes les filiales. Des KPI sont également définis à ce niveau. Depuis 2008, le BOICR (Book of Internal Control Rules) a été adopté, renforçant encore le niveau de contrôle interne. « 283 lignes directrices doivent être suivies à travers le groupe. Elles touchent à la gouvernance, à la sécurité, aux aspects légaux, taxes ainsi qu’au recouvrement et à l’IT… Chaque année un self assessement a lieu. Il est ensuite challengé par le groupe. Un audit interne est réalisé sur une trentaine de règles. C’est un travail de tous les jours. Le BOICR donne un cadre très défini et aide à conscientiser les collaborateurs quant aux règles du groupe. » En parallèle, une plateforme Sharepoint facilite les échanges d’informations sur ces thèmes depuis quatre ans. « Le groupe nous apporte beaucoup de support. Il est le point de départ de nombreux projets. On peut aussi profiter de la multiplicité des expériences et des modèles de réussite. »

Impliquer les employés

Avec la progression du groupe, le rôle de ses CFO s’est étoffé, leur donnant de plus en plus de responsabilités. « Je pense que c’est une tendance générale au sein du groupe: notre palette de compétences et notre panel de tâches se sont élargis. L’évolution du contexte économique fait qu’il y a de plus en plus d’attentes vis-à-vis de la finance. Les trois grandes zones du groupe sont la France, le Royaume-Uni et l’Allemagne. Tout ce qui s’y est déployé s’est aussi développé dans les plus petites zones comme le Benelux. Au fil des années, j’ai toujours pu mener des expériences enrichissantes. Tout en restant dans la même organisation, j’ai acquis de nouvelles compétences et la faculté de m’adapter car la vie du groupe a fait qu’il y a toujours eu de nouveaux objectifs à entreprendre », résume Astrid Anciaux, qui a été élue l’année passée au conseil d’administration de Soderi, l’associé commandité de Steria.
Depuis son entrée en bourse, le groupe a adopté une structure SCA afin de préserver son indépendance, le plus gros actionnariat étant celui des salariés. Chaque employé peut ainsi choisir d’acquérir des actions. Cette participation figure à présent dans l’empreinte de l’entreprise. Tous les ans, un plan d’augmentation de capital est ouvert. « Représenter cet actionnariat me tient vraiment à cœur, je m’y implique beaucoup. Donner de la voix au personnel et l’impliquer dans l’évolution de l’entreprise a toujours été important pour le fondateur du groupe. Les employés-actionnaires ne possèdent pas seulement une part de capital du groupe, ils savent qu’on représente leurs intérêts et qu’ils ont un rôle dans le cadre de la gouvernance de l’entreprise », conclut-elle.

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