Commission indépendante sur l’avenir du secteur bancaire chypriote

La Commission indépendante sur l’avenir du secteur bancaire chypriote (Independent Commission on the Future of the Cyprus Banking Sector, ICFCBS) a publié aujourd’hui son rapport intérimaire sur le rétablissement d’un système bancaire solide à Chypre. Le rapport préconise un vaste programme de mesures et de réformes que la Commission estime essentielles pour restaurer durablement la viabilité des banques du pays et hisser les normes de contrôle bancaire à un niveau international.

 Ce rapport de 100 pages a été compilé par une Commission indépendante de quatre experts bancaires internationaux nommés par la Banque centrale de Chypre (Central Bank of Cyprus ,CBC). L’ICFCBS doit contribuer à effacer les séquelles de la récente crise et élaborer des plans à long terme. Le rapport intérimaire contient les recommandations proposées par les experts en vue de rétablir le secteur bancaire chypriote et invite les parties intéressées à adresser leurs remarques à la Commission en vue du rapport final qui sera publié d’ici la fin de l’année.
La Commission passe en revue les événements de ces dernières années, au-delà de certains    facteurs externes, et explique que les graves défaillances dans la gestion et la gouvernance des banques et du système de contrôle bancaire – à tous ses niveaux – sont à l’origine de la crise et qu’il faudra y remédier en vue de rétablir la confiance dans le système bancaire et sa solidité.  

Absence de politique nationale

Aux plus hauts niveaux, le rapport indique que la crise bancaire chypriote s’explique par l’absence de politique nationale cohérente pour gérer l’expansion du secteur bancaire et le fait que le pays n’a pas réussi à maîtriser les banques car elles semblaient « faire du bon boulot ». Parmi les principales recommandations formulées dans le rapport, nous retiendrons celle-ci : Chypre doit élaborer une politique bancaire globale qui tienne compte des risques et des primes liés à la gestion d’un secteur bancaire important et qui veille à doter le pays de mécanismes efficaces pour en assurer la gestion. Malgré la contraction de son système bancaire, Chypre continuera à dépendre beaucoup des banques, faute de véritables alternatives de financement.    
Le rapport invite également Chypre à ouvrir son secteur bancaire à de nouveaux acteurs et à des idées innovantes afin de le débarrasser de l’influence de la politique et du copinage. Il fait par exemple remarquer que les conseils d’administration des banques comptent peu de non-Chypriotes, et que les étrangers sont même expressément exclus du Conseil de la CBC. Les experts appellent à une nouvelle culture d’indépendance et d’ouverture, soulignant que « ces nouvelles pratiques apporteront au secteur bancaire les changements dont il a besoin, en améliorant la gouvernance, la santé des banque, le contrôle bancaire ainsi que la confiance à l’échelon international».  

Des recommandations

Le rapport formule une quarantaine de recommandations pour une reprise durable du secteur bancaire chypriote. En voici les principales :
Banques et activités bancaires
·         Il est regrettable que l’accord de prêt avec la Troïka exige la fusion de la Banque populaire de Chypre et de la Banque de Chypre. Cette décision aboutira en effet à la création d’une banque qui détient une part dominante du marché, avec les risques que cela implique pour la concurrence et la stabilité du système bancaire. La fusion doit être achevée le plus tôt possible afin de permettre un retour à la normale mais il faudra réexaminer la situation une fois que les conditions de cette fusion auront été fixées.  
·         Les banques coopératives doivent être regroupées dans une société anonyme à gestion commerciale et placée sous la surveillance directe de la  CBC, pour faire du secteur une force commerciale concurrentielle. 
·         Même si les activités du centre d’affaires international de Chypre ont été touchées de plein fouet par les mesures liées à la crise, ce secteur pourrait être préservé. Ce secteur devra toutefois être de meilleure qualité, moins dépendant des allégements fiscaux, plus diversifié sur le plan géographique et capable d’offrir des services de niveau international dans des domaines comme la gestion de patrimoine. Ces activités devront également faire l’objet d’une solide surveillance et les contrôles axés sur la lutte contre le blanchiment de capitaux devront être réalisés de manière stricte et visible. 
·         Les clients des banques chypriotes doivent se préparer à des changements majeurs en ce qui concerne les services bancaires. Le niveau élevé de services personnels dont ils ont profité diminuera suite à la suppression de filiales et à un passage à des formes plus objectives de constitution de dossiers de prêts. La commission préconise également  le passage aux services bancaires électroniques et à distance.
·         L’offre de crédit pourrait être limitée par une plus forte concentration et une réglementation plus sévère du secteur bancaire ainsi  qu’à des pratiques plus strictes en matière d’octroi de prêts. Les autorités pourraient aussi avoir à prendre des mesures pour financer, par le biais de crédit, la reprise économique dans le pays. 
·         Le coût du crédit devra diminuer, alors que les banques devront maintenir leurs marges pour restaurer leur rentabilité. Il est donc probable que les taux de rémunération des dépôts chuteront, augmentant ainsi le risque d’évasion de capitaux.   Des mesures administratives supplémentaires pourraient être nécessaires temporairement pour faciliter cette transition. 
·         Sur le long terme, Chypre devra élaborer des politiques qui encouragent des formes alternatives d’intermédiation financière afin de réduire sa dépendance exceptionnellement élevée vis-à-vis du secteur bancaire.
·         La gouvernance d’entreprise des banques doit être revue de fond en comble pour rétablir l’indépendance des conseils et des directoires, ce qui implique la mise en place de procédures transparentes pour la nomination des directeurs non-exécutifs et la création de systèmes solides de contrôle du risque. Les fonctions d’audit – interne et externe ­-  doivent être renforcées et leur indépendance accrue.

Stabilité financière
·         Chypre a besoin d’un système de contrôle bancaire qui soit non seulement d’une haute compétence professionnelle, mais dont tous les éléments indispensables soient bien coordonnés. Un changement structurel s’impose donc.
·         Les cinq composantes actuelles de la régulation financière chypriote doivent être regroupées dans une entité unique intégrée dans la CBC. Cette dernière serait dotée de l’indépendance juridique et financière nécessaire pour assumer ce rôle et sa compétence en matière de contrôle est en voie d’être renforcée.
·         De meilleurs arrangements institutionnels sont nécessaires pour garantir un dialogue régulier et ouvert entre la CBC et le gouvernement, et pour éliminer les conflits de d’intérêts. 
·         Il convient de clarifier les systèmes et les responsabilités pour surveiller le risque macro-prudentiel et tirer à temps la sonnette d’alarme lorsque des problèmes bancaires se profilent. 
·         L’indépendance de la CBC est essentielle à la bonne santé du système de contrôle. Cette indépendance doit toutefois être contrebalancée par une véritable obligation de rendre compte qui doit être imposée à la CBC.
·         Les dispositions relatives à la bonne gouvernance de la CBC doivent être renforcées pour assurer un meilleur équilibre entre les acteurs exécutifs et non-exécutifs. Il convient de mettre en place une procédure transparente pour la désignation des membres non-exécutifs ainsi qu’un système de comités de conseils pour assurer une supervision indépendante des réalisations de l’exécutif. 
·         La fonction de supervision de la CBC doit faire l’objet d’un contrôle indépendant en vue d’améliorer son obligation de rendre compte. Elle doit pouvoir compter sur davantage de ressources et bénéficier d’une plus grande assistance internationale.
·         La protection des consommateurs bancaires chypriotes doit être améliorée. Il convient de clarifier la responsabilité de la CBC pour réglementer le secteur et de renforcer le rôle du médiateur financier et des codes bancaires. 
David Lascelles, le président de la Commission a indiqué que si la liste de recommandations semblait décourageante, « Chypre avait la capacité de toutes les mettre en œuvre ».  Il souligne que le système bancaire chypriote devra faire preuve de modestie pendant quelques années mais qu’il n’y a aucune raison pour qu’il ne soit pas à nouveau en plein essor, mais doté d’une plus grande stabilité. Ce rapport intérimaire a été compilé sur une période de six mois au terme d’une analyse approfondie par la Commission et de plus de 50 interviews à Chypre et à l’étranger. Le rapport complet est disponible à l’adresse: www.icfcbs.org