Economie européenne: l’urgence d’un plan B!

Finance Management

Depuis plusieurs mois, les économistes oscillent entre prévisions d’inflation et déflation, c’est-à-dire de diminution des prix. Pourtant, il n’y a aucune déflation, puisque les prix augmentent à un rythme actuel de l’ordre de 3 % par an. De surcroît, une déflation est une phase très éphémère de l’économie. Mais alors, quelle est la véritable crainte des économistes? Pourquoi agiter en permanence le spectre d’une contraction à la japonaise, c’est-à-dire celui d’une économie qu’aucun stimulant n’a réussi à relancer depuis 20 ans?

La réponse est simple: ce n’est pas du tout la déflation qui inquiète. La véritable appréhension porte sur un scénario beaucoup plus grave: le piège de la liquidité. Cette expression est tirée de la théorie générale de Keynes (1883-1946). C’est un véritable traquenard dans lequel l’économie tombe lorsqu’une banque centrale injecte des liquidités dans l’économie sans parvenir à relancer la croissance. Les agents économiques absorbent les liquidités, les thésaurisent et ne les dépensent pas. Cette baisse de la consommation a un effet négatif sur les entreprises, la production et l’emploi. Cette situation est caractéristique d’économies qui sont entrées dans un cycle déflationniste, proche de la récession. D’ailleurs, le piège de la liquidité se manifeste quand le taux d’intérêt est proche ou égal de zéro, ce qui est actuellement le cas.

Ce piège de la liquidité se conjugue au paradoxe de l’économiste anglais David Ricardo (1772-1823). Selon ce dernier, il y a une équivalence entre une augmentation de la dette publique et une augmentation de l’épargne en prévision de hausses d’impôts. Si les agents économiques voient la dette publique augmenter, ils vont épargner pour absorber des hausses d’impôts futures plutôt que de consommer afin de relancer la croissance économique. En d’autres termes, les personnes physiques contrarient les politiques de relance en économisant plutôt qu’en consommant. C’est exactement à ce quoi on assiste probablement en Belgique quand on constate l’augmentation stupéfiante des encours en carnets d’épargne, malgré un taux d’intérêt proche de zéro.

Que faire, dès lors, lorsque plus rien ne relance l’économie et qu’il faut inciter les particuliers à consommer? Keynes recommandait d’utiliser le levier budgétaire afin d’agir directement et positivement sur la dépense des ménages, au travers de transferts sociaux et de baisses d’impôts. Selon Keynes, il faut donc augmenter temporairement les déficits et dettes publiques.

Quand on regarde la situation économique européenne, tout n’est plus que contradictions. Mais alors, il y a une contradiction flagrante dans le langage politique: pourquoi préconiser des retours à l’équilibre budgétaire lorsqu’il faut justement accroitre temporairement les déficits pour relancer l’économie? De plus, la réduction des déficits est presque impossible à mettre en œuvre dans une économie sans croissance. L’austérité ou la rigueur risquerait de faire suffoquer toute reprise et de susciter des troubles sociaux.

Et le plus grave, c’est que la marge de liberté de nos gouvernants est devenue infinitésimale. En effet, nous entrons dans un scénario de combinaison d’un manque de croissance et d’un endettement public excessif, combiné à une hétérogénéité croissante des économies de la zone Euro. C’est cette ambiguïté qui nous conduit à l’intime conviction que la solution passera par la poursuite d’une importante création monétaire au prix d’une éventuelle inflation qui devra être gérée. Il faut passer au plan B, c’est-à-dire une injection de monnaie.

Mais, à nouveau, il y a une grave ambiguïté. En effet, cette injection monétaire est contradictoire avec la discipline monétaire qui cimente la formulation de l’Euro. Les créations monétaires conduisent toujours à de l’inflation, ce qui est rejeté par les Allemands et combattu par la Banque Centrale Européenne. Cette anticipation d’inflation est contraire à la rigueur budgétaire. Mais le problème de l’endettement public n’a pas été créé par la crise: il lui est préalable. Il ne faut pas utiliser une crise pour régler un problème qui lui est antérieur. Ceci explique la volonté des autorités monétaires de garder les taux d’intérêt bas et d’inonder les économies grippées d’une abondance de liquidité.

Ce sont aujourd’hui les autorités monétaires qui détiennent la clé de la sortie de crise, puisque les politiques budgétaires sont disqualifiées. Nos économies sortiront donc de la crise par une probable inflation. La BCE est donc devenue, à son corps défendant, la clé de la reprise européenne. Mais, après tout, faut-il s’en étonner? Sans l’Euro, les pays européens fragilisés auraient déjà dévalué leur monnaie et auraient adapté leurs politiques budgétaires aux réalités nationales, sans avoir dû déléguer leur politique monétaire à un organisme supranational.

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