«Il faut jouer carte sur table avec ses investisseurs»

Patrick Jeanmart

En juin dernier, Cardio3 BioSciences réussissait son entrée en bourse et une nouvelle augmentation de son capital par la même occasion. Dotée d’un financement cyclique, l’entreprise avait besoin de fonds frais afin de lancer la phase III de recherche de C-Cure, son produit phare et accélérer ainsi son développement.Pour réussir l’étape délicate de la recherche de fonds privés et choisir les bons investisseurs, elle a collaboré étroitement avec Merodis, un bureau de conseil spécialisé en la matière.

Née en 2007 à Louvain-la-Neuve, Cardio3BioSciences a, dès le départ, été financée par une combinaison d’investisseurs privés, de fonds institutionnels et de subventions publiques. La jeune société est, jusqu’à présent, celle qui est la plus avancée dans la recherche sur l’insuffisance cardiaque. Si les traitements actuels s’attaquent aux symptômes de la maladie, ils ne savent pas encore en traiter les causes, ce que le projet de recherche de Cardio3 BioSciences ambitionne de faire.
Depuis sa création, sa stratégie de financement se fonde sur la réalisation d’évènements scientifiques et cliniques, créateurs de valeur pour ses actionnaires. Son équipe financière doit donc rassembler du nouveau capital à chaque étape pour poursuivre ses travaux. « Avec les nouveaux investisseurs qui ont rejoint le projet, l’entreprise a trouvé un bon équilibre des forces entre financements publics et privés, soutiens wallons et flamands », constate Dirk Marckx, nouvelle recrue chez Merodis spécialisé dans la biotechnologie. Au total, grâce à des capitaux propres et des tours de financement successifs, l’entreprise a réuni près de 86,5 millions d’euros. Ses nouveaux apports lui permettront de terminer la phase III de ses recherches en 2015.

« Ce n’était pas la peine d’aller frapper à toutes les portes, il fallait identifier les bonnes compétences »

Communication réciproque

En juin dernier, l’actualité a été chargée pour Cardio3 BioSciences. L’entreprise a été cotée chez NYSE Euronext Brussels et NYSE Euronext Paris. Grâce à l’appui de Merodis, elle a également récolté 9,5 millions d’euro via le fonds Tina de PMV, une société d’investissements flamande. Déjà actionnaire, la SRIW s’est également engagée à participer pour 4,45 millions à son introduction en bourse.
« L’intérêt de travailler avec un intermédiaire comme Merodis est de bénéficier d’un nouveau réseau de contacts étendu. Nous avons défini le mandat ensemble, explique Patrick Jeanmart, CFO de Cardio3 BioSciences. Pour la première fois, le fond Tina a rapidement montré un intérêt à participer de manière substantielle à nos activités. En raison de notre stratégie, nous avions besoin que les investisseurs se décident vite. C’est le calendrier d’entrée en bourse qui a défini le timing ».
Ayant déjà travaillé avec le spécialiste des maladies cardiaques lors d’une opération plus réduite, Merodis a joué à nouveau le rôle de messager. « Les contacts informels ont démarré dès janvier 2013. Il s’agissait d’une opération de placement privé d’une plus grande envergure que la précédente, précise Dirk Marckx. Les candidats potentiels étaient peu nombreux. Nous avons travaillé de manière ciblée, notre recherche de départ était réduite. Je connaissais déjà PMV d’une précédente expérience. Ils ont directement été intéressés par cette perle wallonne. Le contrat a été signé en mars »« Notre ambition était aussi de faire rentrer des experts pointus dans le conseil d’administration de Cardio3 BioSciences, qui puissent lui apporter des compétences et un soutien. Ce n’était pas la peine d’aller frapper à toutes les portes, il fallait identifier les bonnes compétences » , ajoute Thierry Hazevoets, Partner chez Merodis.

Préparation en amont

Une telle opération se compose généralement des mêmes étapes. Dans ce cas-ci, tout a été bouclé en trois mois. « Après la confirmation de l’intérêt, une due diligence, soit une analyse approfondie, est effectuée par les experts de l’investisseur, qui identifient les forces et les faiblesses du dossier, partage le CFO. Ensuite, on va de l’avant en définissant les termes financiers de l’accord. Dans ce cas-ci, c’est le CEO et moi qui avons été mandatés par le conseil d’administration afin de mener les négociations. Chacun défend son intérêt et on entre alors dans une négociation classique ».
L’entreprise qui recherche un financement prépare généralement une dataroom, virtuelle ou physique, qui contient tous les documents utiles aux investisseurs intéressés. « Il ne s’agit pas seulement d’informations financières, mais aussi de données corporate, comme la composition du conseil d’administration, des résultats scientifiques etc. On joue à livre ouvert, appuie Patrick Jeanmart. Parfois, certains viennent sur place, mais le plus souvent, tout se fait à distance. On scanne tous les documents qui sont stockés sur une plateforme sécurisée et consultables grâce à des codes d’accès. Cela me permet de voir ceux qui ont déjà été consultés et de savoir à quel niveau les équipes travaillent ».

« Si le dossier est mal présenté, l’entreprise est grillée. C’est un petit marché où la réputation est clé pour trouver des fonds »

Partenariat win-win

Si le partenaire choisi n’a pas d’obligation de résultats, il y a une obligation de moyens dans son chef. Pour Patrick Jeanmart, la confiance et l’honnêteté sont des prérequis indispensables. « C’est un secteur où certains consultants prétendent connaître le monde entier. Il est important de faire le tri et de pouvoir se fier à son partenaire. En général, il s’agit d’un mandat exclusif. Si le dossier est mal présenté, l’entreprise est grillée. C’est un petit marché où la réputation est clé pour trouver des fonds. Un bon intermédiaire sait identifier les bons profils intéressés et connaît leur logique d’investissement. Il doit pouvoir passer d’une entreprises de clous à un géant de la construction. Le contact doit être personnalisé avec les investisseurs. Envoyer le même mail à tous ses contacts est la pire des stratégies. Les fonds sont sollicités en permanence, il faut trouver la bonne accroche ».
La discrétion est le maître mot. Si le partenaire se répand dans la presse trop tôt, toute l’opération peut échouer. « Il faut jouer carte sur table, que ce soit avec ses investisseurs ou les intermédiaires. Une relation de confiance doit s’instaurer entre toutes les parties prenantes. Cacher une faiblesse ne sert à rien », affirme Patrick Jeanmart.
« Pour être efficace en tant qu’intermédiaire, il faut avant tout être créatif et parler le même langage que ses clients, achève Thierry Hazevoets. La qualité d’un dossier est primordiale. La réputation est clé dans notre métier, nous devons parfois refuser des demandes. Si cela ne fonctionne pas, nous mettons un point d’honneur à le dire directement »« Il faut être ouvert, le rejoint Dirk Marckx, ne pas contredire ce qui a déjà été dit ou fait avant et viser le long terme. La qualité du management de l’entreprise, ainsi que la taille du marché potentiel sont également des facteurs de succès. Il ne faut surtout pas vouloir tout, tout de suite ».