« Le management, c’est… bullshit! »

Finance Management

Le management? Ça ne sert à rien! Et même: plus il y en a, pire ce serait pour l’entreprise! C’est du moins le point de vue très engagé que développe Jos Verveen, lui-même consultant en management pendant des années, dans le livre Bullshit Management. Et la gestion du capital humain n’en sort pas indemne…

« On trouve sur le marché plus de 15.000 livres de management. Si vous les lisiez tous, vous n’auriez plus le temps de faire autre chose, indique Jos Verveen. J’espère que mon livre sera le dernier livre de management que liront les gens! » Son argument? Le management n’est pas une science, et on ne peut démontrer que les méthodes proposées fonctionnent – ni, pour le coup d’ailleurs, qu’elles ne fonctionnent pas. Organiser serait simplement une question de raisonnement logique et de bon sens, chaque entreprise devant chercher sa propre manière de faire, sans qu’il n’existe une bonne façon de procéder en la matière.
Autrement dit: la chose ne relevant aucunement d’une discipline scientifique, il ne peut y avoir de règle générale qui s’applique dans toutes les organisations et situations. « Une firme va s’organiser d’une certaine manière, sa voisine d’une autre, et si elles sont toutes les deux convaincues qu’il doit en aller ainsi, cela fonctionnera », observe-t-il. Le management n’est pas quelque chose qui s’est spontanément développé, comme on pourrait le penser, mais a été pensé par Frederick Taylor il y a une centaine d’années, puis des outils se sont peu à peu imposés. « Mais, au final, on voit surtout que les entreprises se copient les unes les autres, au lieu de capitaliser sur leurs propres forces. »

Effets pervers

Faut-il pour autant se méfier de toute personne ayant le terme ‘manager’ dans son descriptif de fonction? « Je n’ai rien contre les patrons, les dirigeants, ni les chefs. Les managers de ce type sont très habiles: ce sont des gens qui ont une compréhension du contenu et, pour cette raison, sont devenus dirigeants. Vous pouvez vous adresser à eux pour un conseil ou pour une aide dans des situations complexes. Les entrepreneurs sont également très bons: en général, ils sont partis d’une frustration envers une entreprise déterminée. Ce ne sont peut-être pas toujours les personnes les plus faciles, mais elles ont un attachement au business. »
Les dirigeants sont nécessaires pour piloter une équipe, et doivent continuer à le faire à leur manière, sans se soucier des formations managériales auxquelles les chefs d’aujourd’hui sont soumis, estime Jos Verveen. « Il s’agit de toutes sortes de formations développant comment vous communiquez, comment vous dirigez, comment vous donnez du feed-back – souvent des formations qui viennent des RH. Mais si vous vous intéressez un peu aux recherches sur les sciences du comportement, vous vous rendrez vite compte que les individus changent à peine… »
L’exaspération qui anime Jos Verveen est à trouver dans cette strate de profils qui, dans les entreprises, – et pour reprendre ses termes – « pensent comment les autres doivent faire leur travail. Ce sont des personnes qui n’ont pas tant connaissance du contenu, mais qui ont fait de ‘manager’ leur métier. Et il faut inclure dans la critique les conseillers en organisation. Tout cela ne fait pas avancer l’entreprise. Bien des méthodes utilisées ne fonctionnent pas et, pire, certaines ont des effets pervers. »
Pour lui, cette couche de profils managériaux qui expliquent aux autres ce que ces derniers ont à faire peut être supprimée du jour au lendemain, sans grand risque. « Chacun pourra alors pleinement se consacrer à travailler sur le contenu – c’est d’ailleurs ce que disent aussi les managers: c’est ce qu’ils feraient beaucoup plus volontiers – et on laissera les individus réfléchir eux-mêmes à la meilleure manière dont ils doivent s’organiser. Pour cela, vous n’avez pas besoin de théorie, de méthode, ni de manager supplémentaire… »

Par hasard

Une preuve qu’on a tout faux? « La loyauté tant des clients que des collaborateurs, malgré le management, n’a pas progressé. Au contraire: elle a chuté. Quelque 40% des collaborateurs ne se sentent pas attachés à leur organisation, et chez les clients, c’est pire encore! » Jos Verveen se tourne également vers les entreprises familiales qui ne jouent pas dans ce jeu, qui tiennent les consultants en management à l’écart… et qui connaissent une loyauté bien plus importante. « Les enquêtes vont même jusqu’à démontrer que plus il y a de managers, plus basse est la productivité. Plus il y a de managers, et moins il y a d’innovation. Ce n’est là que logique: les managers veulent structurer, prévoir, avoir les choses en main… et l’innovation est, par définition, quelque chose qui émerge par hasard. »

« Les entreprises se copient les unes les autres, au lieu de capitaliser sur leurs propres forces. »

Dès lors, non, les MBA ne représentent pas une solution pour l’entreprise, affirme-t-il encore. Deux ingrédients sont par contre nécessaires: quelqu’un qui a un attachement pour l’activité et des connaissances professionnelles. Et mieux vaut se concentrer sur la question: « pourquoi avons-nous été constitués? », au lieu de chercher à copier ou de courir derrières les études de marché… « Le secret de la réussite, c’est de s’impliquer pour l’activité, d’y aller avec cœur en sachant précisément quelle est la raison d’être de l’organisation. C’est la meilleure des motivations qui soit, et elle motive à bien faire. »

Résultat décevant

Et que penser alors de la GRH? « C’est une question douloureuse… Ou peut-être est-ce une bonne question dont la réponse est douloureuse, réplique Jos Verveen. Si vous retournez à l’essence du management tel qu’il a été pensé il y a une centaine d’années, la GRH en est la source. Tout est parti du recrutement et de la sélection. La thèse de Taylor était qu’en recourant à des méthodes déterminées et à des critères de sélection, on allait recruter de manière à rendre l’entreprise plus productive. » Mais, au bout du compte, le résultat se révèle assez décevant.
« On a aujourd’hui un éventail incroyable d’outils qui ont été inventés, avec des bonus, des objectifs, des descriptions de fonctions, des descriptifs de tâches, des profils de compétences, des assessments, nombre de formations pour améliorer la communication, des évaluations à 360°… tout pour accroître la productivité. Les études que je vois aujourd’hui démontrent que ces dispositifs ne marchent pas, ou ont même des effets inverses… » La conclusion de Jos Verveen est plutôt dure: « Vous feriez mieux d’en revenir au service du personnel, centré sur l’essentiel: payer les salaires et former les gens… » Le débat est ouvert!

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