Le mentorat pour plus de diversité dans les conseils

Pour remédier au manque de profils féminins dans les conseils d’administration et de diversité au sens large, Guberna et Women on Board ont uni leurs forces afin de donner naissance au Mentoring Pilot Program 2011-2012, plateforme de parrainage entre membres effectifs de conseils d’administration et femmes actives désirant prendre davantage de responsabilités dans leur carrière.

Lancé à l’échelle nationale, ce programme vise à rassembler des mentors, à savoir des CEO, administrateurs expérimentés ou des figures de l’industrie belge, et des mentees, des femmes issues du top management souhaitant augmenter leur palette de compétences et exercer un mandat d’administrateur. Lancée pour la première fois en septembre dernier, l’initiative se déroulera jusqu’en décembre 2012. L’ambition est de stimuler la collaboration des 21 mentors et 21 mentees, alors que seuls 10% des sièges d’administrateur dans les sociétés du BEL 20 dont occupés par une femme. Sur les 235 sièges dénombrés dans ces conseils, 24 à peine sont donc occupés par des profils féminins. Les fondatrices insistent sur le fait qu’il ne s’agira pas de coaching ni de formation, mais bien d’échanges.

Pratique et interactif

L’idée centrale consiste à permettre à une candidate potentielle à un mandat d’administrateur de bénéficier d’un accompagnement ciblé et de conseils personnalisés pour parfaire son projet professionnel. Initialement prévu pour accueillir cinq tandems de mentor/mentee, ce nombre a été étendu à 21 suite à l’enthousiasme suscité. Leur constitution a nécessité un examen approfondi des candidatures sur base de critères comme les expériences, les secteurs d’activité, les régimes linguistiques ou encore les cursus académiques pour faire correspondre les complémentarités de chacun au mieux.
« Nous avons réalisé un véritable matching des profils, confie Hnia Ben Salah, Senior Research Associate chez Guberna, l’institut belge des administrateurs. Toutefois, leur relation n’appartient qu’à eux. Chaque mentor choisit comment il souhaite fonctionner, même s’il s’est engagé à voir sa mentee minimum quatre fois par an, L’exercice porte avant tout sur le partage de connaissances directes d’administrateurs en exercice avec des femmes hautement qualifiées et dotées de fonctions managériales. Je pense qu’on peut déjà dire que le projet est un succès grâce aux personnalités qui s’y sont impliquées et reflète un certain intérêt des entreprises pour ces questions. »

Besoin de diversité

L’objectif est aussi de sensibiliser les entreprises à la diversité au sens large, tout en les aidant dans la mise en pratique de la loi du 28 juillet 2011 qui instaure un quota de femmes au sein des conseils d’administration de sociétés cotées, d’entreprises publiques autonomes et de la Loterie Nationale. « Nous souhaitions lancer ce projet bien avant le projet de loi. Nous avons eu la chance que la date de lancement du projet pilote coïncide avec la publication de la loi, ajoute Françoise Roels, une des fondatrices de Women on Board, une absl constituée en 2009. Notre ambition n’est pas seulement d’imposer davantage de femmes dans les conseils, mais aussi de stimuler la diversité, qu’elle soit linguistique, au niveau des talents ou des âges. Selon nous, le secteur public devrait montrer la voie. Ce n’est pas encore tout à fait le cas. Nos mentees sont des professionnelles très bien formées. Il ne leur faut plus qu’un coup de pouce. Les compétences sont là. »
L’outil requiert une participation active de ses participants qui doivent tenir Guberna au courant de leurs échanges. « L’implication des mentors et mentees de ce programme est déterminante et une condition de succès, observe Hnia Ben Salah. Le programme comporte des rapports et des comptes-rendus qui s’inscrivent dans leur calendrier professionnel. Durant toute l’année, chaque mentee devra également planifier un agenda de réunions et fixer les ordres du jour selon ses besoins. Nous avons souhaité privilégier la relation qui s’articulera autour des motivations et des objectifs de chacun des partenaires. »

Passage de relais

Inspirés par d’autres programmes similaires développés en Angleterre et en France, les services du Mentoring Pilot Program sont entièrement gratuits pour les mentees qui sont membres soit de Guberna, soit de Women on Board. De leur côté, les mentors sont administrateurs, trustees ou membres de Guberna. « Ce qui m’intéresse dans ce projet, c’est de faire partie d’un vivier de femmes, témoigne Anne del Marmol, une des mentees. Je recherchais ce supplément de connaissances et d’échanges. » 
« Je pense qu’il y a une dynamique comportementale qu’on n’apprend pas forcément dans un MBA ou en préparant des dossiers pour les conseils, appuie Evelyne Van Wassenhove. Ma mentor est une femme et son profil complète très bien le mien, nos backgrounds se ressemblent. Nos échanges sont très riches. » Chantal Devriendt, aussi parmi les mentees, le souligne: « En général, on connaît le travail d’un board de manière théorique. Le projet me permet d’en connaître les rouages de l’intérieur et dans la pratique. Dans la relation avec un mentor, la flexibilité et la confidentialité sont des éléments très importants. »
Mais, du côté des mentors également, la participation peut se révéler enrichissante. « En tant qu’économiste et administrateur, je suis convaincue qu’un conseil doit être diversifié pour bien fonctionner, notamment au niveau des genres, indique Catherine Gernay, mentor et détentrice de plusieurs mandats d’administrateurs depuis plusieurs années, notamment à la SNCB-Holding, au SCK.CEN et à l’IRE, deux sociétés actives dans la recherche et les applications nucléaires. A la SNCB-Holding, par exemple, nous sommes quatre femmes sur dix, je suis certaine que notre apport est positif. Il faut ouvrir tout cela, apporter plus de créativité et développer de nouveaux réseaux. Le monde a changé, les ‘old boys networks’ n’ont plus de raison d’être. »
On aurait tort de croire que les femmes sont minoritaires dans les conseils car elles sont moins formées ou moins qualifiées, insiste-t-elle encore. « C’est loin d’être le cas. Ce n’est pas pour autant qu’elles sont toutes brillantes non plus. Par ailleurs, il ne faut pas oublier que c’est un boulot à temps plein, ce qui est parfois difficile pour des jeunes femmes qui doivent mener de front carrière et vie familiale. La nouvelle génération, hommes et femmes, en est consciente, même si tout n’est pas encore acquis. » Dans sa relation avec sa mentee, elle privilégie conseils, trucs et astuces pratiques. « Je ne vais pas lui expliquer comment se lit un bilan, elle le sait déjà. Je me centre sur des éléments très concrets, comme par exemple comment, quand on entre dans un conseil, on peut rechercher des alliances et se faire des amis pour faire passer ses idées. C’est important pour moi de transmettre mon expérience. »

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