« Le recouvreur de créances joue un rôle économique et social »
Peu connus du grand public, les métiers du recouvrement sont encadrés par le S.P.F Economie. Quelque 200 professionnels sont inscrits dans ses registres. L’Association belge des sociétés de recouvrement de créances (ABR-BVI) organise également un comité de surveillance qui vérifie la conformité à la loi, ses membres souscrivant aussi à un code de conduite. « Le travail des professionnels du recouvrement se déroule dans un cadre éthique très strict, explique Martine t’Jampens, administratrice de l’ABR-BVI. Notre association se bat pour professionnaliser le secteur, tout en réexpliquant le bien fondé de notre métier. » Un nombre plus élevé de créances, avec des délais de paiements plus longs et des montants plus réduits, davantage de solutions à l’amiable, voilà le panorama du secteur l’année dernière.
Plus de dossiers
L’ABR vient de publier ses résultats pour 2011: elle dévoile dans son rapport une stabilité des volumes collectés par rapport à 2010. Le document révèle cependant une augmentation de 32% du nombre de créances confiées. Les créances de type B2B affichent un montant en nette diminution par rapport aux années précédentes, soit 1.245 € par créance, contre 4.200 € en 2009 et 1.385 € en 2010. On observe cette même tendance dans la sphère B2C, mais dans une moindre mesure: 1.062 € en 2011, contre 1.075 € en 2009 et 1.290 € en 2010. « La crise fait qu’il y a davantage d’impayés. Les montants moyens diminuent, les transmissions augmentent et les durées s’étendent, même si, globalement on récupère la même chose, détaille-t-elle. Ce constat illustre bien les difficultés des trésoriers et le nombre grandissant de faillites. »
Ces différentes tendances ont un impact sur le comportement des uns et des autres. « De plus en plus de débiteurs demandent un étalement de leur paiement. Ils essayent de négocier des plans à plus long terme, ce qui peut avoir des conséquences sur le niveau de récupération global. De leur côté, nos clients, les créanciers, sont devenus plus stricts dans la vérification de la santé financière de leurs propres clients afin d’éviter les impayés au maximum. »
Cette augmentation du nombre de créances confiées indique bien que les créanciers font actuellement face à davantage de retards de paiements et qu’ils transmettent plus vite leurs dossiers à des professionnels du recouvrement. Parmi les secteurs à risques en matière de créances, on trouve l’énergie, les hôpitaux, les télécoms et les crédits à la consommation.
Facteur social
Parfois mal compris, le recouvrement remplit un rôle de sauvegarde de l’économie. Pour Martine t’Jampens, beaucoup de fausses idées circulent sur son compte. Le métier possède un rôle à la fois économique et social. « Depuis une dizaine d’années, la perception de notre métier s’améliore, défend-t-elle. Nos collaborateurs sont à présent fiers de travailler dans ce secteur, ce qui était moins le cas par le passé. Notre crédo est avant tout de respecter toutes les parties prenantes. Nous avons aussi un rôle social à jouer auprès des débiteurs. Le recouvreur est là pour conseiller, écouter le client et l’aiguillier le cas échéant. Il doit bien comprendre sa situation et son budget, le nombre de surendettements étant de plus en plus élevé. Il ne faut pas croire que tous les débiteurs sont malhonnêtes, notre rôle est aussi de discerner ceux qui profitent du système de ceux en difficulté. Certains cas sont tragiques. »
« Nous présentons l’avantage d’être à la fois dans la relation et en dehors du contexte. »
Dans de nombreux dossiers, les professionnels du recouvrement essayent de parvenir à des solutions à l’amiables. Plus rapide, plus positif, meilleur pour l’image du créancier, ce type d’accord win-win est beaucoup moins coûteux pour toutes les parties concernées. « Notre objectif central est de récupérer les sommes dues le plus vite possible. Il faut rester réaliste et parfois accepter d’étendre les délais de paiements. Dans la mesure du possible, l’idéal est de conserver la relation entre les deux parties, et que le débiteur reste client chez le créancier. Les solutions à l’amiable permettent aussi de désengorger les tribunaux et le débiteur ne paye que ce qu’il doit. »
Un bon recouvreur doit être assertif, avoir de bonnes compétences de négociation, être psychologue, posséder de bonnes capacités d’écoute, bien connaître le secteur d’activité de ses clients pour les représenter au mieux, tout en maîtrisant la loi. « Nous jouons souvent le rôle de conciliateur. Nous présentons l’avantage d’être à la fois dans la relation et en dehors du contexte. Le recouvreur offre un regard neutre », souligne-t-elle encore.
Contrôler le secteur
Outre la publication de rapports annuels, le but de l’ABR est de contribuer à réglementer le métier, d’organiser sa surveillance, d’uniformiser les connaissances et les pratiques en faisant se rencontrer les acteurs, ainsi que de faire circuler l’information. Elle organise ainsi de temps à autres des formations ciblées ouvertes à tous ses membres pour pallier le manque de formations supérieures en recouvrement. « Chaque membre de l’association est contrôlé chaque année, indique Martine t’Jampens. Si l’un d’entre eux ne parvient pas à satisfaire aux niveaux d’exigence requis, il doit le justifier lors de la publication des bilans. Il arrive que nous devions suspendre ou exclure un membre. Il en va de la crédibilité de l’association. Nous manipulons l’argent de nos mandants. On se doit d’être irréprochables, on ne peut pas prendre de risque. »
Toute société candidate est également contrôlée en amont, ses comptes sont analysés en profondeur. Elle passe une période test et vient se présenter aux membres fondateurs. « C’est déjà arrivé que nous n’acceptions pas la candidature d’une entreprise », ajoute-t-elle. Outre la visibilité et la transparence, l’avantage de faire partie de l’association est que cette dernière souscrit à une assurance globale pour l’ensemble des membres, une obligation légale pour répondre à des appels d’offre.
« Certains appels d’offre requièrent même de faire partie de l’association, j’aimerais que ce soit toujours le cas, c’est une belle reconnaissance de notre travail, conclut-elle. Le métier a bien changé ces quinze dernières années, grâce à la loi, à l’explosion des crédits à la consommation ou encore à la centrale de crédit aux particuliers, toutes les banques doivent désormais déclarer leurs crédits et créances. Les créanciers ont aujourd’hui une meilleure connaissance des débiteurs, les crédits sont sans doute mieux attribués. Il y a davantage de prudence. »