Le retour des risques dans les pays émergents
Trois risques majeurs pèsent désormais sur les émergents. Sur le plan politique, les tensions ont augmenté, illustrées par les mouvements de protestation en Afrique du Nord / Moyen-Orient, mais aussi en Russie ou en Inde. Sur le plan économique, on assiste à une montée du protectionnisme. Enfin, sur le plan financier, une croissance excessive des prêts bancaires au secteur privé dans plusieurs pays émergents fait craindre une bulle de crédit, notamment dans les économies asiatiques.
Frustrations croissantes
Le risque d’instabilité politique en hausse est nourri par des frustrations croissantes et par de plus fortes capacités à transformer celles-ci en action: la vague des révolutions arabes a été révélatrice des nouvelles revendications politiques, culturelles et institutionnelles des sociétés émergentes. Afin d’analyser la capacité d’une société à provoquer des ruptures politiques, Coface a élaboré une grille de lecture croisant deux types d’indicateurs : les pressions aux changements (inflation, chômage, contrôle de la corruption…) qui mesurent l’intensité des frustrations socio-politiques dans un pays donné et les instruments du changement (éducation, réseaux sociaux, proportion des jeunes, rôle des femmes…) qui captent la capacité de ces sociétés à transformer les frustrations en acte politique.
Risques d’instabilité
Parmi les 30 pays émergents passés à la loupe, c’est la zone Afrique du Nord / Moyen-Orient qui se distingue nettement par la présence à la fois de fortes pressions aux changements et des instruments. Ce diagnostic met en garde contre le caractère persistant du risque d’instabilité dans cette région, dans le cas notamment où les régimes post-révolutionnaires s’avèrent incapables de répondre aux exigences de la population, à la source de leur ac-cession au pouvoir.
Le Nigéria, la Russie, le Kazakhstan et la Chine affichent des frustrations à un niveau au-dessus ou égal aux situations tunisienne ou égyptienne, mais une moindre présence des instruments limite leur capacité à transformer les frustrations en rupture de nature politique.
Un protectionnisme rampant
Devenus depuis 2008 une arme de protection vis-à-vis de chocs dont les pays émergents ne sont pas responsables, les contrôles des capitaux et le protectionnisme commercial représentent aussi un risque pesant sur les entreprises. A noter que la Russie, l’Argentine et dans une moindre mesure l’Inde sont de loin les pays les plus protectionnistes, alors que le Mexique, l’Afrique du Sud et la Turquie restent relativement ouverts au commerce international.
Le recours massif aux mesures restreignant le commerce peut entraîner des délais de paiements plus longs pour les importateurs, mais aussi davantage de barrières à l’entrée pour les entreprises exportant vers les pays qui mettent en oeuvre de telles mesures. Au niveau mondial les effets, pour l’heure limités, doivent s’aggraver dans le contexte de division internationale des processus de production, pénalisant ainsi l’activité de toutes les entreprises de la chaîne. C’est, en outre, une tendance susceptible d’affecter particulièrement les entreprises européennes qui cherchent des débouchés dynamiques à l’heure où leurs demandes internes restent déprimées.
Le risque de bulle de crédit monte en Asie émergente
Les politiques monétaires expansionnistes, mises en place dans les pays émergents depuis la crise 2008-2009, et des lacunes en matière de règles prudentielles ont favorisé une croissance soutenue du crédit bancaire, au point de former de véritables bulles de crédit.
Sur la base d’un indicateur synthétique de bulles de crédit, croisant le niveau du stock de crédit et sa croissance, Coface estime que l’Asie émergente est la région la plus à risques (Malaisie, Thaïlande et dans une moindre mesure Corée, Chine et Taïwan). D’autres pays ont un stock de crédit au secteur privé moins élevé mais celui-ci augmente rapidement.
Le Chili, la Turquie, la Russie et le Venezuela sont donc aussi dans une situation de boom de crédit ou très proche.