Le scénario de reprise molle en 2012 remis en cause

Les perspectives de croissance mondiale sont revues à la baisse par l’assureur-crédit Euler Hermes: +3% en 2011, +3,2% en 2012. En Europe, la crise bancaire liée au dérapage de la dette souveraine amenuise les perspectives de croissance. Un arrêt de la baisse des défaillances d’entreprises se profile toutefois à l’horizon 2012.

Dans un environnement économique mouvementé, Euler Hermes prévoit un ralentissement de l’économie mondiale à horizon des 18 prochains mois. L’assureur-crédit vient de réviser à la baisse son scénario de juin dernier. Ainsi table-t-il aujourd’hui sur une croissance de l’économie mondiale de +3% en 2011 (-0,3% par rapport aux prévisions de juin) et de +3,2% en 2012 (-0,4%), après +4,3% en 2010. Le commerce mondial reviendrait à un taux de croissance de quelque 7% en 2011 et en 2012, après +14% lors de la reprise en 2010.
Dans la zone euro et aux Etats-Unis, la reprise s’essouffle. La croissance du PIB en zone euro, comme aux Etats-Unis, serait de +1,6% en 2011. En 2012, la zone euro afficherait une croissance de +1,3%, les Etats-Unis +2,0%. Dans les économies émergentes, la croissance en 2012 est plus franche, à +4% en Amérique latine, +3,5% en Europe centrale et orientale, et +7,1% en Asie, hors Japon.
Parmi les pays qui « tirent » la croissance mondiale, se distinguent surtout l’Inde et la Chine avec un rythme de +8,5% en 2012. Au Brésil, la croissance atteindrait +3,5% en 2011 et +3,7% en 2012. Les pays émergents dans leur ensemble, qui représentent aujourd’hui 38% du PIB mondial, connaissent cependant un taux de croissance plus modéré qu’en 2010 (en dessous de +6% en 2011, après +7% en 2010). En Europe, certains indicateurs avancés semblent toutefois perméables aux hésitations sur les décisions à prendre pour sortir d’une crise double, des banques et de la dette. Ceci accroît la probabilité d’un scénario plus dégradé pour 2012.

Défaillances d’entreprises

« Les perspectives de ralentissement du PIB mondial auront des effets négatifs sur plusieurs moteurs de croissance, analyse Wilfried Verstraete, Président du Directoire d’Euler Hermes. Les ménages pourraient baisser leur consommation de biens durables, tandis que les entreprises commenceraient à réduire leurs investissements et à revoir à la baisse leurs budgets. Dans le climat d’affaires actuel, incertain, nous nous attendons également à une évolution moins favorable des défaillances d’entreprises. Si elles étaient encore orientées à la baisse jusqu’à récemment, cette tendance s’est à présent arrêtée. »
En 2010, les défaillances d’entreprises avaient baissé de -5% à travers le monde, notamment en Asie et en Amérique du Nord. Même si la plupart des grandes économies résistent bien, cette tendance est en train de ralentir en Europe. Dans les pays les plus fragilisés (Grèce, Irlande, Italie, Portugal, Espagne), les défaillances continuent d’augmenter.

Disparités structurelles

Aux Etats-Unis, on continue à craindre un ‘double-dip’, soit une rechute en récession. Malgré quelques nouvelles rassurantes, comme la bonne tenue des bénéfices des entreprises, la tendance au repli des défaillances et la progression des prêts bancaires, la croissance du PIB est restée limitée au deuxième trimestre (+1,3%) avec une consommation atone (+0,1%). D’autres données, telles que le marché du logement, la production industrielle et l’emploi, dépeignent également une situation fragile. « Les effets d’annonce pullulent: relance? austérité? Il est urgent de considérer des mesures qui protègent les perspectives de croissance et d’emploi à court terme », souligne Ludovic Subran, Chef Economiste d’Euler Hermes.
En zone euro, la reprise s’essouffle dangereusement. La demande domestique s’est contractée pour la première fois depuis 2009. « La dynamique d’ensemble est pour le moins décevante. Même les économies majeures de la zone euro ont enregistré un fort ralentissement, avec un coup d’arrêt en Allemagne et en France, et une croissance très faible en Italie et en Espagne », poursuit-il. Le ralentissement de l’activité devrait se confirmer au deuxième semestre (+0,1% contre +1,0% au premier semestre). Selon lui, « le risque est bel et bien celui d’une dégradation de plus grande ampleur si les solutions de soutien aux pays et aux institutions financières en difficulté ne sont pas prises immédiatement. Il est nécessaire d’endiguer tout risque de contagion à l’ensemble de la zone euro voire au-delà. »
Le printemps arabe a provoqué de profonds changements au Moyen-Orient et en Afrique du Nord et son impact sur les perspectives de croissance continuera de se faire sentir en 2012. Euler Hermes prévoit +2,9% en 2011 et +3,9% en 2012, avec des risques à la baisse significatifs. Les transitions politiques en Egypte et en Tunisie demeurent fragiles, et les économies de la Libye, de la Syrie et du Yémen devraient se contracter cette année.

« Il est urgent de considérer des mesures qui protègent les perspectives de croissance et d’emploi à court terme. »

La croissance du PIB en Europe centrale et orientale, et en Russie a ralenti au deuxième trimestre (+4,4% contre +5,4% au premier trimestre), du fait de la baisse de régime de ses principaux moteurs : la demande extérieure et l’investissement. La croissance devrait atteindre +4% en 2011 et 3,5% en 2012. La Turquie a de nouveau affiché la plus forte croissance de la région au deuxième trimestre et continue d’alimenter les craintes de surchauffe.
La croissance devrait également ralentir en Amérique latine, avec +4% en 2011 et +3,7% en 2012 (après 6,1% en 2010). Le Brésil, le Mexique, le Chili, la Colombie et le Pérou sont les mieux armés pour faire face aux incertitudes liées à la dégradation du climat économique mondial, même s’ils ne sont pas complètement à l’abri d’un choc de croissance négative, notamment dû aux effets de second tour des baisses attendues du prix des matières premières.
Globalement, les économies de l’Asie du Sud, centrale et de l’Est restent bien équipées pour faire face aux incertitudes des perspectives mondiales. La croissance de la région devrait se modérer à +7,3% en 2011 et +7% en 2012. Dans la majeure partie des pays de l’ASEAN, la croissance a décéléré au deuxième trimestre du fait des perturbations dans les chaînes d’approvisionnement liées aux événements du mois de mars au Japon. L’économie chinoise, en revanche, a quelque peu ralenti sous l’effet des resserrements monétaires. Cependant, elle reste avec l’Inde, où la consommation demeure soutenue, un des moteurs incontestables de la croissance mondiale.

Risque pays

Selon le calcul d’Euler Hermes, quatre pays voient leur niveau de risque augmenter à cause d’une plus grande exposition aux risques conjoncturels: la Turquie (passant de risque ‘significatif’ en juin 2011 à ‘élevé’ en septembre 2011), Chypre (de ‘faible’ à ‘significatif’), le Costa Rica et Trinidad et Tobago (de ‘faible’ à ‘moyen’). Le risque s’accroît dans deux autres pays à cause de leur vulnérabilité au financement extérieur, notamment en Italie (passant de ‘faible’ à ‘significatif’) et en Croatie (de ‘moyen’ à ‘significatif’).
Trois autres pays voient, en revanche, leur risque baisser. Au Japon (passant de ‘significatif’ à ‘faible’) et en Slovénie (de ‘moyen’ à ‘faible’), l’environnement économique s’est amélioré à court terme, tandis que l’Azerbaïdjan bénéficie d’une situation structurelle en amélioration (de ‘élevé’ à ‘significatif’)…

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