« Les CFO devront apprendre à vivre dans un climat d’incertitude. »

Thierry Van Schoubroeck (Deloitte)

Le niveau de confiance des CFO belges demeure extrêmement faible.

C’est ce que montre la dernière enquête trimestrielle menée par Deloitte auprès des CFO belges. Près de la moitié d’entre eux n’apprécient pas la manière dont le gouvernement Di Rupo fixe actuellement les priorités financières et économiques.

Les CFO n’anticipent pas de reprise économique à brève échéance et près de la moitié d’entre eux excluent toute perspective de croissance avant le 1er semestre 2014. Les conditions économiques et financières demeurent imprévisibles. Comme lors des trimestres précédents, 80% des CFO indiquent que le niveau d’incertitude global est élevé et supérieur à ce qu’il était d’habitude et ils ne prévoient pas d’amélioration dans le futur. Les entreprises vont devoir apprendre à vivre dans un climat d’incertitude accrue.

« Dans ce climat d’incertitude, les CFO demeurent pessimistes quant aux perspectives financières de leur propre entreprise, commente Thierry Van Schoubroeck, Partner chez Deloitte Belgique et responsable de cette enquête. Tous les efforts portent sur les coûts: la compression des coûts et l’amélioration du cash-flow n’ont cessé de gagner en priorité depuis le début de l’année – jamais l’on n’a relevé durant ces deux dernières années un nombre aussi élevé de CFO pour qui la réduction des coûts représente une priorité majeure. »

« La compression des coûts et l’amélioration du cash-flow n’ont cessé de gagner en priorité depuis le début de l’année. »

Face à incertitude de la relance économique ou anticipant un affaiblissement de la demande sur le marché belge ainsi qu’à l’étranger, 80% des CFO belges ont revu leurs plans d’investissement. En outre, le degré d’incertitude  par rapport à la situation de la zone euro a diminué pendant le dernier trimestre: seule une petite minorité pense qu’il soit envisageable qu’un voire plusieurs pays quitte la zone les 12 prochains mois. En pratique, peu de CFO se sont préparés à l’éventuelle sortie d’un État membre de la zone.

La reprise sera lente et faible

Quand se produira-t-elle? C’est là la principale préoccupation des CFO. Les perspectives de croissance pour la zone euro en général et pour la Belgique en particulier ont été revues à la baisse non seulement pour 2012 mais aussi pour 2013. Près de 50% des CFO n’anticipent aucune croissance avant le premier semestre 2014. Le calendrier de la relance aussi inquiète les CFO, tout comme l’importance de préserver leur position concurrentielle sur le marché. Sur le plan de la concurrence, les nouvelles technologies changent la donne et engendrent de nouveaux modèles sectoriels auxquels les entreprises doivent s’habituer. L’impact des politiques financières et économiques du gouvernement fédéral sur la position concurrentielle complète le palmarès des trois premières préoccupations des CFO. Près de la moitié des CFO n’apprécient guère la manière dont le gouvernement Di Rupo fixe actuellement les priorités économiques et financières (20% d’entre eux seulement émettent un jugement positif). Il s’agit là d’un signal d’avertissement très clair dans le cadre des négociations budgétaires.
 
La disponibilité du crédit bancaire est au plus bas depuis 3 ans. Les résultats financiers du 3ème trimestre sont en-deçà des prévisions. Les taux d’intérêt sont bas et créent des conditions favorables en matière de financement. Les titres de créance émis par les entreprises sont aujourd’hui considérés comme un moyen de financement très attrayant aux yeux des sociétés, bien plus qu’un emprunt à la banque. « Bien que les CFO considèrent que le coût du crédit soit actuellement bien meilleur marché qu’il ne l’ait jamais été ces trois dernières années, la disponibilité du crédit bancaire a nettement diminué et est aujourd’hui à son niveau le plus bas depuis trois ans, précise-t-il. Mais très rares sont les CFO qui annoncent avoir réduit leurs plans d’investissement par manque de financement externe. Pour les CFO, le principal frein à l’investissement réside dans l’impossibilité de faire des prévisions quant à l’évolution de la situation économique et financière. »
 
Pour 45% des répondants à l’enquête (contre 57% à la fin du 2ème trimestre), les résultats du 3ème trimestre sont inférieurs aux prévisions. Aucune amélioration n’est attendue d’ici à la fin de l’année: 46% des répondants pensent qu’ils n’atteindront pas le budget fixé – ce qui donnerait des résultats analogues à ceux de l’année dernière.

L’optimisme n’a pas la cote

La première édition de l’enquête CFO Survey de Deloitte Belgique a été publiée à la fin du 1er trimestre 2009. L’économie sortait à peine de la récession et les efforts fournis avaient empêché l’effondrement du système financier. Les CFO n’étaient guère optimistes, mais, de manière assez surprenante, ils l’étaient bien davantage qu’ils le sont aujourd’hui ou qu’ils l’ont été durant la majeure partie de l’année écoulée.
 
Durant l’année 2009, l’optimisme des CFO par rapport aux perspectives pour leur entreprise s’est peu à peu renforcé. Personne n’attendait de relance soutenue et les CFO misaient sur un taux d’activité assez faible sur leurs propres marchés en 2010. Les priorités étaient le conservatisme financier et une attention majeure à la maîtrise des coûts; les CFO étaient persuadés que ces tendances allaient persister. Thierry Van Schoubroeck confirme qu’ils avaient raison: « Trois ans plus tard, cette 15ème édition de l’enquête ne fait que confirmer que c’est effectivement le cas et que le contrôle des coûts et la gestion du cash-flow restent les priorités absolues des entreprises. Le pourcentage de CFO pour qui la compression des coûts représente une priorité incontournable n’a jamais été aussi élevé en deux ans. »

Les CFO d’Amérique sont restés plus optimistes… jusqu’à ce dernier trimestre.

L’année 2010 a vu la confiance se rétablir peu à peu: les perspectives étaient généralement considérées comme positives pour les marchés émergents et l’Allemagne semblait avoir retrouvé son rôle de moteur économique. Malheureusement, la tendance s’est inversée au premier trimestre 2011: l’incertitude accrue sur la scène politique et économique mondiale, alimentée par la crise au Moyen-Orient et la catastrophe nucléaire au Japon ont conduit les CFO à adopter une attitude de plus en plus prudente. « A la fin de 2011, l’optimisme des CFO avait atteint le niveau le plus bas jamais enregistré auparavant », note-t-il.  
 
En 2012, la crise dans la zone de l’euro s’est intensifiée, en raison de l’instabilité politique en Grèce et de la méfiance des marchés à l’égard de la solvabilité de l’Italie et de l’Espagne. Malgré le plan de sauvetage des banques espagnoles accepté par l’Union européenne, les niveaux de tension sur les marchés financiers et sur la dette souveraine demeurent élevés.

Perspectives internationales

Le niveau d’incertitude persistante quant aux plans économiques et financiers affectent les marchés du monde entier. Les tendances observées en Belgique durant ces dernières années ressemblent fort à celles constatées dans d’autres régions. Les préoccupations permanentes associées à la crise de la dette dans la zone euro, la crainte de ralentissements potentiels en Chine et en Inde et le regain d’inquiétude quant à la situation économique aux États-Unis se sont conjugués pour amener les CFO de tous les continents à revoir à la baisse leurs prévisions positives au 2ème trimestre 2012.
 
Depuis le début de l’enquête en Amérique du Nord, et malgré les craintes nourries par la  dégradation des conditions en Europe, le ralentissement de l’économie mondiale, la croissance morose sur le plan national, et les efforts des gouvernements pour enrayer la chute et stimuler la relance, les CFO d’Amérique sont restés plus optimistes… jusqu’à ce dernier trimestre. Les conclusions de l’enquête réalisée ce trimestre confirment cette perspective, enregistrant le recul le plus cinglant des prévisions en 2 ans et demi. A l’inverse, ce dernier trimestre, on a pu observer un regain de confiance au sein des milieux d’affaires britanniques: les esprits semblent avoir été stimulés par la promesse récente d’une action plus agressive de la Réserve fédérale britannique pour soutenir la croissance et celle de la Banque centrale européenne (BCE) de consolider la devise unique.

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