Les retards de paiement dépassent le niveau de 2009

Guy Colpaert

Les entreprises belges paient leurs factures avec 19 jours de retard, en moyenne. Le constat ressort de l’European Payment Index publié par Intrum Justitia. C’est beaucoup plus que l’an dernier, le retard de paiement n’était alors ‘que’ de 15 jours. En Europe, on évalue à € 340 milliards les pertes causées par des factures impayées.

Pour la huitième fois, l’European Payment Index passe au crible les paiements, les risques et la confiance de plus de 7.800 entreprises dans 28 pays européens. Il montre clairement que les entreprises européennes souffrent gravement de problèmes de liquidités. 57% indiquent être dans cette situation en raison de paiements tardifs, la proportion étant 54% en Belgique. Le tableau est toutefois à nuancer selon les pays. Ainsi, l’Allemagne et les pays scandinaves sont les bons élèves tandis que d’autres contrées, principalement dans le Sud et l’Est de l’Europe, sont confrontées à d’importants problèmes.
« Dans des pays comme la Grèce, le Portugal et l’Espagne, le nombre d’entreprises qui font face à des problèmes de liquidité en raison de retards de paiement atteint un niveau inquiétant, observe Lars Wollung CEO de l’Intrum Justitia Group. Dans plusieurs pays, le nombre de créances amorties continue à augmenter. En Grèce, Bulgarie et Roumanie, chaque fois que l’on facture 20 euros, plus d’un euro doit être amorti comme créance douteuse. Même les économies puissantes, comme le Royaume-Uni et la Pologne, montrent des signes d’augmentation du nombre de créances amorties. »
L’enquête montre que les entreprises tentent de résoudre leurs problèmes de liquidité en réduisant le délai de paiement convenu par contrat. En moyenne, le nombre de jours nécessaires pour un paiement entre entreprises a diminué, passant de 36 à 32 jours. Le nombre moyen de jours de retard de paiement reste fixé à 20. Il faut aussi noter que la confiance en l’économie et dans les banques en 2012 est meilleure dans les pays où la situation l’est également. Sur ce point, l’Allemagne et la Suisse s’isolent en tête en Europe. Respectivement 25% et 31% des répondants déclarent avoir davantage confiance dans les banques contre seulement 4% en Belgique…

Deux axes de travail

Chez nous, le terme de paiement contractuel moyen entre entreprises reste de 35 jours, un terme inchangé par rapport à l’année dernière. Mais, dans la réalité, les paiements sont effectués en moyenne après 54 jours. Ceci signifie que, en 2012, les entreprises ont encore vu leur délai de paiement réel augmenter de 4 jours (19 jours contre 15 en 2011). En Belgique, chaque jour voit 26,3 millions d’euros convertis en créances amorties. Ce chiffre représente des montants définitivement perdus en dépit de produits ou de services fournis. Sur une base annuelle, on atteint une somme de 9,6 milliards d’euros – ou 26,3 millions d’euros par jour –, ce qui représente 2,7% du PNB belge en 2011. C’est 450 millions d’euros de plus que l’an dernier.
« En Europe et en Belgique, les entreprises tentent de se sauver, mais elles sont prises dans un cercle vicieux qui les voient elles aussi chercher à payer leurs factures le plus tard possible et tenter d’obtenir leur paiement au plus vite, explique Guy Colpaert, Managing Director d’Intrum Justitia Belgique. Des factures payées tardivement ou jamais résultent au final en un renforcement de l’inflation. Les intérêts payés par les pouvoirs publics en raison de retards de paiement sont un bon exemple d’un poids aussi important qu’inutile sur le budget. La Belgique a encore beaucoup à apprendre des pays voisins et en particulier de l’Allemagne qui règle rapidement ses dettes. Cela peut aussi être dit dans une moindre mesure de nos voisins du Nord et du Sud. »
Que faire concrètement pour résoudre le problème? Les pouvoirs publics pourraient travailler sur deux axes stratégiques, indique-t-on chez Intrum Justitia. Un: l’aspect réglementaire, en assurant le bon fonctionnement de la réglementation en matière de recouvrement – ceci concerne surtout la législation concernant le recouvrement à l’amiable vis-à-vis des consommateurs, la législation portant sur la lutte contre les retards de paiement des entreprises (aussi connue au niveau européen comme la Late Payment Directive) et l’application correcte de la législation sur le recouvrement judiciaire – et en poursuivant le développement du cadre réglementaire pour intensifier la responsabilité et le comportement de paiement afin de les mettre au niveau des meilleurs pays de l’UE.
Deux: l’établissement d’un modèle de comportement. « Un changement de comportement de paiement commence par les pouvoirs publics. Aujourd’hui encore, les pouvoirs publics paient en moyenne 28 jours après la date d’échéance prévue, ce qui fait d’eux le plus mauvais payeur par comparaison avec les entreprises et les particuliers. » Sans surprise, Intrum Justitia suggère aussi de revenir à son métier de base et, donc, de professionnaliser les processus de recouvrement en les sous-traitant auprès d’experts.

Une attitude différente

Dans une situation économiquement difficile, il est essentiel de se concentrer sur la gestion de trésorerie et des processus connexes, en particulier pour les PME qui, par essence, sont plus vulnérables, mais aussi pour les grandes entreprises, pour lesquelles les montants sont naturellement beaucoup plus importants. « La boutade ‘on fait mieux ce que l’on fait soi-même’ ne s’applique pas au monde de la gestion du crédit, mais c’est le premier réflexe dans notre culture, surtout quand les choses vont moins bien, remarque-t-on chez Intrum Justitia. C’est pourtant LE moment où il convient d’adopter une attitude différente. »
Dans les pays qui appliquent une réglementation stricte (il s’agit d’une condition de base), on constate un niveau beaucoup plus élevé de sous-traitance avec une expertise et la maturité associées qui se traduisent par moins de pertes et un meilleur comportement de paiement. « Les entreprises belges et nos pouvoirs publics ont encore beaucoup à apprendre des pays scandinaves et, plus près de nous, de l’Allemagne. Au final, un changement de comportement est nécessaire pour enregistrer de véritables progrès. Pas besoin pour ce faire de réinventer la roue. Tant les pouvoirs publics que les entreprises peuvent mettre en pratique les ‘best practise’ des pays scandinaves et de l’Allemagne. »

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