« Notre leitmotiv, c’est d’oser »

Jean-Marc van Cutsem (Delitraiteur)

Les « Delitraiteur » poussent comme des champignons: en cinq ans, le nombre de magasins a plus que doublé pour atteindre aujourd’hui les 35 implantations. Le « spécialiste de la solution repas », filiale du groupe Louis Delhaize, affiche encore de solides ambitions: grimper à 80 magasins à moyen terme et poursuivre son expansion à l’international. Son administrateur délégué, Jean-Marc van Cutsem, lève un coin du voile sur l’aventure de ce traiteur qui ne connaît pas la crise ou, plutôt, surfe sur celle-ci…

« Depuis le lancement du concept en 1990, notre volonté est d’être en permanence innovateur afin de garder une avance et un avantage concurrentiels sur le marché, confie Jean-Marc van Cutsem. Nous occupons une niche de marché: le ‘prêt à manger’ pour une clientèle active. Dès lors, face à la concurrence que représente la livraison de repas à domicile, par exemple, nous proposons un choix plus étendu et original – avec des plats préparés par des cuisines réputées, comme le Blue Elephant ou Tastyfood – et une qualité de fraîcheur que nous voulons optimale – nos produits respectant scrupuleusement la chaîne du froid. »
Testé pour la première fois à Genval – sous le nom Louis Delhaize Traiteur Shopping –, puis à Bruxelles, le concept a progressivement essaimé en Belgique francophone. Au tournant de l’an 2000, il a été remanié de fond en comble pour devenir Delitraiteur avant de se développer également en Flandre, puis également à l’international. Un premier magasin a été ouvert au Grand-duché de Luxembourg, puis trois autres dans la capitale française. Profondément ancré dans l’air du temps, il a aussi évolué en même temps que le client.
« Nous avons deux cibles complémentaires et leur combinaison est nécessaire à l’équilibre financier des points de vente, explique-t-il. La première est constituée des ménages à revenus moyens ou élevés composés de professionnels actifs: en semaine, ces ménages ont rarement le temps, ou l’envie, de cuisiner après une journée de travail. Géographiquement, ils habitent essentiellement dans les centres urbains ou dans la périphérie des grandes villes. La seconde cible est celle concernée par l’effet de proximité, des personnes pour lesquelles la facilité d’achat prime sur le souci éventuel d’économie. » Delitraiteur vise également le monde des entreprises, que ce soit pour l’achat d’un sandwich, d’une salade ou d’un plat de midi, ou pour un repas sur place entre collègues.

Qualité avant tout

L’an dernier, Delitraiteur a enregistré une croissance de 7%, pour un chiffre d’affaires de 57 millions d’euros. « Nos magasins atteignent leur vitesse de croisière commerciale au terme de douze mois, délai nécessaire pour affirmer la visibilité de l’enseigne et l’inscrire dans les habitudes des clients. Le chiffre d’affaires de chaque entité oscille entre 30.000 et 50.000 € par semaine. Ce succès est notamment dû au suivi de la démarche qualitative, systématisant les enquêtes de satisfaction auprès des clients, ainsi qu’aux procédures d’auto-évaluation que le groupe a mis en place et à la pertinence et à la multiplicité des services offerts. »
Avec la crise, le consommateur prête une attention plus marquée aux prix et n’hésite pas à se serrer la ceinture. Comment expliquer un tel succès dans un contexte qui peut apparaître peu propice à l’achat de produits plutôt hauts de gamme? « Notre clientèle est active, et sans doute moins touchée par la crise, note Jean-Marc van Cutsem qui réfute par ailleurs l’image de ‘prix élevés’ qui semble coller à l’enseigne. Une telle image ne correspond simplement par à la réalité, mais nous ne souhaitons pas mettre le prix au cœur de notre communication. On ne rentre pas dans le champ de la guerre des prix et il n’y aura pas de promotions massives chez nous. »

« On ne rentre pas dans le champ de la guerre des prix et il n’y aura pas de promotions massives chez nous. »

Une position qui ne traduit rien d’autre que la confiance affirmée dans le modèle Delitraiteur, axé sur la différenciation et l’innovation. Les produits proposés se déclinent en trois axes: le « prêt à manger » – sandwichs, salades, panini, soupes, etc. –, le « prêt à réchauffer » – plats préparés, pizzas, pâtes, sauces prêtes à l’emploi, surgelés, etc. – et le « prêt à cuisiner » – tout ce qui est nécessaire à la préparation d’un repas. « Notre chiffre d’affaires est en progression, même à magasins constants. Nous misons sur la qualité des produits et du service comme levier différenciateur, et nous nous y tenons. »

Satisfaire et dépanner

Jean-Marc van Cutsem insiste: Delitraiteur n’est pas cher! Et argumente: « Par rapport à des produits de marque comparables, par exemple en pâte à tartiner, en soft-drink ou en céréales, nous veillons à rester attractifs, avec des prix 15% plus chers que la grande distribution. Mais nous demeurons moins chers que les stations-services ou qu’un magasin de proximité, par exemple. A l’échelle de l’horeca, par contre, nous sommes bien meilleur marché: un soft-drink consommé à table sera toujours moins cher chez nous. »
Quant au « cœur de métier », la solution repas, le prix affiché par Delitraiteur est à mettre en regard avec le niveau de qualité offert. « Il est possible de très bien manger chez nous pour moins de 10 euros, ce qui est loin d’être donné dans une chaîne de fast-food! A nos yeux, le ‘bien manger’ est quelque chose qui doit être un sans faute quotidien. Nos prix reflètent aussi la possibilité de trouvez chez nous, sur des plages horaires étendues, la solution d’un traiteur rapide qui va satisfaire le gourmet, tout en lui offrant la possibilité de le dépanner sur une vaste gamme de produits dont il viendrait à manquer. »

Forte émulation

Les points de vente sont ouverts tous les jours, de 7h30 à 22h, y compris les dimanches et les jours fériés. Une telle plage horaire demande une organisation sophistiquée, d’autant que le concept se situe quelque peu à cheval entre la distribution et l’horeca. « La présence du frais exige en outre une logistique pointue, précise-t-il. Chez nos concurrents, on trouve 70% de sec et 30% de frais. Or, chez nous, on est dans la proportion inverse. Et puis, nous avons une production sur place assez importante: cuisson des viennoiseries, préparation des sandwichs et des salades, rôtissage des poulets,… »
Les gérants des différents magasins Delitraiteur sont, dans la toute grande majorité des cas, des franchisés indépendants. « Certaines enseignes font le choix de la franchise plutôt par opportunité. Nous en faisons véritablement le cœur de notre stratégie et nous essayons de ne pas mixer les formules, en ne conservant que deux succursales, une dans chaque région linguistique du pays, se positionnant comme magasins pilotes où l’on va tester les nouveautés et comme centres de formation. »
La franchise est une école de professionnalisme, souligne encore Jean-Marc van Cutsem. « Nous avons besoin de gens qui souhaitent s’impliquer totalement dans la gestion de leur magasin, notamment par la dynamisation et la motivation de leur équipe. C’est très exigeant et, en retour, cela suscite aussi une forte émulation: ces personnes qui investissent, elles vont venir vous challenger. Ce qui vous force aussi à vous remettre sans cesse en question: un franchisé va toujours appuyer là où ça fait mal… »

Jean-Marc van Cutsem (Delitraiteur)

Du win-win

Une commission consultative « franchise » se réunit une fois par mois; des rencontres très régulières sont organisées et l’intranet permet une communication permanente avec tous les franchisés. Un animateur « franchise » est également désigné, avec une couverture maximum de dix magasins. « L’investissement en communication n’est jamais suffisant: il faut toujours convaincre, faire adhérer le franchisé. Ce n’est jamais gagné d’avance. Il faut surtout que les deux parties s’y retrouvent: un réseau ne se développe pas si la formule n’est pas rentable pour chacun des partenaires. »
L’investissement global moyen pour un nouveau magasin est de 467.500 €, dont 400.000 € en aménagement et équipement et 50.000 € pour le stock de base. Un apport minimum en fonds propres de 100.000 € est demandé au franchisé. Ensuite, la redevance de franchise correspond à 4,5% du chiffre d’affaires hors TVA. Transparente, la formule séduit une grande variété de profils, de l’ingénieur commercial spécialisé en marketing au gérant d’agence bancaire, en passant par le manager RH désireux de se reconvertir.
« Notre sélection se veut très stricte et passe par toute une série d’étapes afin de valider l’intérêt mutuel ainsi que l’ouverture d’esprit, le désir d’apprendre un nouveau métier et l’attrait du produit chez le futur franchisé, ainsi que la capacité à être indépendant tout en n’étant pas totalement autonome. Puis, deux à trois mois se passent en formation et immersion complète, avant de prendre en main un magasin. »

Carte de restaurant

Chaque point de vente emploie une dizaine de collaborateurs. Ils se doivent d’être polyvalents – capables de se remplacer dans leur propre magasin ou dans un autre – et « engagés ». Le cadre de travail y contribue: l’aménagement se veut chaleureux, cosy, convivial – mobilier en bois, habillage original des frigos, éclairage, sol en pierre et musique d’ambiance. Le tout avec un souci de clarté affirmé: « L’organisation des magasins présente les aliments selon le moment de la journée – petit-déjeuner, déjeuner, souper, dessert, etc. – placés dans un ordre logique, dans un environnement spécifique. Un peu comme on lirait une carte de restaurant, commente Jean-Marc van Cutsem. C’est une plus-value du service qui veut que le client actif trouve rapidement ce qu’il cherche et… reste le moins longtemps possible dans le magasin. »
Le maître mot? L’innovation. « Nous recherchons sans cesse de nouveaux produits, ajoute-t-il. Ainsi, toutes les ressources de solutions repas sont exploitées, des plus classiques aux plus tendances, des cuisines du sud aux plats du bout du monde, en passant par les plats de tradition belgo-française. Nous avons été les premiers à proposer la machine à produire du jus d’orange frais – que l’on voit désormais un peu partout –, ou encore la cuisine grecque de chez Mavrommatis, une gamme de plats traiteurs light développés avec la collaboration d’un diététicien, un grand nombre de produits artisanaux,… »
Dans le même esprit, Delitraiteur s’est engagé dans la démarche « Intelligent Nutrition », en mettant à la disposition de ses clients des produits sélectionnés pour leur profil « nutrition santé », à la fois favorables à leur santé et ayant un impact positif sur l’environnement. Une démarche plutôt rare en matière de ‘fast food’ – l’exception d’un Exki qui se positionne sur le même créneau. Et la gamme vient d’ailleurs d’être étendue pour toucher également le rayon des viandes.

Jeu d’équilibriste

Si Delitraiteur est moins que d’autres affecté par la crise, cela ne veut pas dire qu’on n’y prête pas une attention soutenue. « Nous veillons à être vigilants quant à la rentabilité de nos franchisés, et si certains rencontrent des difficultés, nous allons les soutenir, note Jean-Marc van Cutsem. En retour, le niveau d’exigence est élevé: le principe doit être bien assimilé selon lequel, dans chaque magasin, il y a deux tiroirs caisses, celui des entrées, et celui des sorties. Le chiffre d’affaires n’est pas égal au bénéfice! Et quand les sorties plus importantes, nous sommes face à de la mauvaise gestion. »
De la simple gestion de bon père de famille, sans doute très basique, mais qu’il faut monitorer soigneusement, conclut-il. « Un jeu d’équilibriste, car on ne peut pas se mêler de la gestion de l’indépendant. On peut tout au plus le conseiller, le guider, l’avertir, l’épauler… Il faut rester humble en tant qu’exploitant, sans cesse travailler sur les marges qu’on va aller chercher en fonction du mix de produits et de la clientèle, et bien maîtriser les coûts. Par ailleurs, innover représente aussi la possibilité d’ouvrir des pistes d’économie. Nous avons notamment fait le constat d’un sentiment de froid dans nos magasins, lié à la présence de nombreux frigos. En mettant en place une solution de portes vitrées, nous avons pu réduire les frais liés à ce poste de 35.000 à 25.000 euros par an, tout en augmentant la satisfaction des clients. Notre leitmotiv, c’est d’oser et de toujours avoir un coup d’avance, que ce soit en termes de produits, d’aménagement, de service ou d’approche de gestion. »

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