Commissions secrètes: le défaut de transparence a un prix!

« La transparence ou la bourse », tel pourrait être le slogan du système des cotisations distinctes sur « commissions secrètes ». Sujet brûlant de l’année 2011, cet instrument fiscal a beaucoup fait parler de lui. La vigueur de ce débat, dont la sévérité de l’administration en la matière était le point de mire, a engendré un assouplissement de la position administrative qui se voulait intransigeante.

Instauré en 1973, ce dispositif était alors vu comme une nouvelle arme de l’administration fiscale contre les « oublis » de déclaration de certains paiements. Depuis lors, sa portée n’a cessée d’être étendue et son taux à fait l’objet d’une augmentation significative (de 65% à 300%). Les cotisations distinctes sur commissions secrètes sont issues de l’article 219 du Code des impôts sur les revenus (ci-après « CIR »). Lorsque les conditions visées par cet article sont remplies, une cotisation distincte de 309% (300% augmentés de la cotisation complémentaire de crise de 3%) est perçue sur les commissions secrètes. Cette cotisation trouve à s’appliquer lors d’une absence de déclaration par la société (selon les modalités requises par le CIR) de frais devant être déclarés sur fiches individuelles et relevés récapitulatifs (l’article 57 CIR vise entre autres les honoraires, commissions, courtages, rémunérations, indemnités forfaitaires, etc.), d’avantages en nature octroyés aux employés ou aux dirigeants d’entreprises, des bénéfices dissimulés et des dépenses à dessein de corruption. Une seule atténuation à ce mécanisme est prévue dans le CIR. Elle concerne la déclaration par fiches individuelles (et relevés récapitulatifs) et les avantages en nature (article 219, al. 4 CIR). Pour ces derniers, la cotisation distincte ne sera pas due si les éléments non déclarés se retrouvent dans la déclaration fiscale belge du bénéficiaire (conformément à l’article 305 CIR). A la lecture du commentaire administratif du CIR, nous pouvons également trouver un certain nombre d’assouplissements. Ainsi, la production de fiches individuelles ou de relevés récapitulatifs ne sera pas requise pour les paiements dont le bénéficiaire est soumis à la loi sur la comptabilité des entreprises et pour lesquels due être délivrée une facture selon le régime TVA. Il en sera de même lorsque les paiements s’élèvent à un maximum de 125 € par année et par bénéficiaire ou encore lorsque les bénéfices dissimulés sont réinsérés dans la comptabilité de la société (à la condition que le droit comptable le permette).

Critiques et répercussions

Comme susmentionné, les avantages en nature doivent également faire l’objet de déclarations afin d’éviter leur soumission à la cotisation distincte. Cependant, il était fréquent que les inspecteurs des impôts tolèrent que, bien que n’ayant pas été conformément déclarés, la déclaration de ces avantages pouvait être régularisée par leur reprise en dépense non admise de la société ou par une imputation au compte courant entre la société et son dirigeant. Le 27 juillet 2011, une instruction interne à ce sujet a vu le jour au sein de l’administration fiscale. Cette instruction à résonné comme un coup de tonnerre dans les oreilles des praticiens du droit fiscal en ce qu’elle mettait un terme à ladite tolérance et allait même jusqu’à prévoir un contrôle des fonctionnaires du fisc quant à son respect. A la suite de vives critiques, le Ministres des Finances a dû lâcher du lest. Ce pas en arrière prit la forme d’un addendum datant du 23 décembre 2011.

« Seules quelques échappatoires semblent disponibles pour le contribuable. »

Selon cette tolérance, pour les contrôles fiscaux effectués avant le 1er juillet 2012, aucune cotisation distincte ne sera levée sur les avantages en nature évalués conformément à l’article 18 de l’Arrêté Royal d’exécution du CIR et pour les avantages liés à l’usage d’un GSM. Cependant, il faut que ces avantages puissent encore être taxés selon les délais légaux. Ensuite, l’addendum stipule que, pour les autres avantages en nature, la cotisation distincte sera levée, à moins qu’ils soient déclarés spontanément (auprès du contrôle IPP du bénéficiaire) avant le 30 juillet 2012.
En outre, la tolérance administrative accorde une marge de manœuvre aux inspecteurs. Dans le cas de non déclaration d’avantages en nature, l’inspecteur pourra prendre en compte la bonne foi du contribuable, le caractère exceptionnel du défaut de déclaration et l’importance relative de ce défaut. Enfin, il pourra être renoncé à la perception de la cotisation distincte lorsqu’il appert que le manque de transparence est due à une divergence d’interprétation raisonnable en matières d’avantages sociaux ou culturels. Ceci ne sera possible qu’à condition que ces sommes ne soient imposées dans le chef des bénéficiaires dans les délais légaux.

Analyse

Seules quelques échappatoires semblent disponibles pour le contribuable. Tout d’abord il est possible d’éviter la cotisation lorsque certains paiements (cfr. ci-dessus) sont déclarés par le bénéficiaire conformément au dispositif fiscal en vigueur. Cette échappatoire semble faire fi des personnes ne remplissant pas de déclaration en Belgique. De fait, les relations transnationales ne cessent de s’accroitre, il est donc étonnant de ne pas prendre en compte les bénéficiaires ne devant pas remplir de déclaration en Belgique.
Cette échappatoire ne semble pas leur être accordée. Au regard de la jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union Européenne (ci-après « CJUE »), cette différence de traitement, bien que n’étant pas basée sur la nationalité, pourrait être considérée comme étant en violation des principes de liberté d’établissement et de libre circulation des biens. Une telle restriction pourrait toutefois être justifiée par une justification d’intérêt général, ce dont nous pouvons douter.
La seconde échappatoire représentant un intérêt est la non obligation de déclarer les paiements effectués à des bénéficiaires devant tenir une comptabilité et ayant émis une facture conformément au régime de TVA. Le Ministre des Finances a confirmé que cette tolérance ne s’applique pas pour les factures émises par un bénéficiaire étranger. A ce sujet, un jugement du Tribunal de Première Instance d’Anvers datant du 1er avril 2011 met en exergue le fait que cette tolérance n’a aucune assise légale et ne peut de ce fait être appliquée. Ceci vient également en violation du droit européen et pourrait faire l’objet d’une recourt auprès de la CJUE (malgré qu’il ne s’agisse que d’une mesure administrative).
D’autres questions pourraient encore être soulevées telles celle du caractère civil ou pénal de cette cotisation (ce qui a de l’intérêt puisqu’une amende peut être réduite par le juge).

Conclusion

Cette cotisation des plus contraignantes risque d’encore faire parler d’elle car malgré l’introduction d’une forte dose de subjectivité dans les directives administratives, force est de constater que le régime tend à se durcir. Toutefois, certaines voies permettent encore de se débarrasser du joug de cette épée de Damoclès…

Stéphane Jourdain et Geoffroy Galéa (Deloitte)

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