FATCA: tsunami pour l’industrie des services financiers… et bien au-delà

Le Foreign Account Tax Compliance Act (« FATCA »), qui fait partie de la loi HIRE signée par le président américain Obama le 18 mars 2010, est conçu pour empêcher les résidents des États-Unis d’échapper à l’impôt américain en détenant des avoirs générateurs de revenus via des structures étrangères. Gros plan sur une législation qui n’a pas fini de faire parler d’elle.

Dans le cadre de la nouvelle loi, une retenue à la source punitive de 30% sera appliquée sur certains paiements de source américaine, à moins que le bénéficiaire ne fournisse certaines informations le concernant et concernant ses actionnaires éventuels. Cette réglementation, qui entrera en vigueur le 1er janvier 2013, aura un impact considérable sur les entreprises du monde entier qui ont des relations avec les Etats-Unis. En effet, on considère actuellement que FATCA générera quelque 10 milliards de dollars sur base annuelle, durant une période de dix ans.
Le texte légal laisse, à date, planer de multiples incertitudes. Afin d’éclaircir la situation, il est prévu que les autorités fiscales américaines publient, au cours des 12 à 18 mois à venir, des circulaires commentant le nouveau régime. En parallèle, le fisc américain a également demandé à recevoir l’avis écrit de toute partie intéressée; à ce jour, un certain nombre de lobbies ont déjà fait usage de cette faculté.

Entités visées

Toutes les entités étrangères bénéficiant de revenus en provenance des États-Unis sont susceptibles d’être affectées par FATCA. Ces entités peuvent en effet être classées en deux catégories.

La première catégorie vise les « Foreign Financial Institutions » (« FFIs »). Une FFI est une entité non-américaine qui:

  • reçoit des dépôts dans le cadre de son activité bancaire; ou
  • dont la détention d’actifs financiers pour compte de tiers représente une partie substantielle de son activité; ou
  • dont l’activité principale est l’investissement, le réinvestissement ou le négoce de valeurs mobilières ou de matières premières.

Cette définition est très vaste, et semble inclure virtuellement tous les véhicules d’investissement étrangers, indépendamment du fait qu’ils soient cotés en bourse ou pas. Les FFI incluent donc les banques, les compagnies d’assurance, les organismes de compensation, les dépositaires de fonds, les « hedge funds », les fonds de placement en capital à risque et les autres instruments d’investissement.
La seconde catégorie inclut les « Non Financial Foreign Entities » (« NFFEs »). Il s’agit en l’occurrence d’une catégorie résiduaire, en ce sens que toute entité étrangère qui ne qualifie pas de FFI doit être considérée comme NFFE. Elle comprend donc les sociétés privées et toute autre entité étrangère n’ayant pas comme activité principale une activité bancaire ou d’investissement.

Il convient toutefois de noter que:

  • on s’attend à ce que le fisc américain exclue du champ d’application certaines sociétés holdings, ainsi que certaines filiales chargées de recherche & développement ou de financement au sein de groupes non financiers;
  • la loi elle-même exclut certains types d’entités, telles que les sociétés dont les actions sont régulièrement négociées sur une bourse de valeurs mobilières reconnue ou les filiales dans lesquelles une société cotée détient une participation majoritaire.

Paiements visés

Le champ d’application en termes de paiements est extrêmement vaste ; ceux-ci, qui ont en commun d’être de source américaine, peuvent être rangés en trois catégories:

  • La première catégorie inclut les paiements qui sont déjà, à date, susceptibles d’être soumis à une retenue à la source américaine, tels que les dividendes, les intérêts, les royalties, les loyers, les salaires, les honoraires, les commissions, etc., pour autant qu’ils soient versés aux États-Unis;
  • La deuxième catégorie inclut le produit brut de la vente d’actifs susceptibles de générer des dividendes ou des intérêts. Est donc visé le prix de vente, et pas uniquement la plus-value réalisée;
  • La troisième et dernière catégorie englobe les intérêts de dépôts ouverts auprès de succursales étrangères de banques américaines.

Sont toutefois exemptés les revenus rattachés à une présence taxable aux Etats-Unis. Cette exception est somme toute fort logique, de tels revenus étant taxables aux Etats-Unis en tant que revenus de l’établissement stable. La législation prévoit également une clause dite « de grand-père » qui prévoit que les instruments existants au 18 mars 2010 ne seront pas visés par la nouvelle loi.

Obligations

Pour la Belgique, FATCA aura un double impact direct. En premier lieu, les FFIs devront conclure une convention avec l’administration fiscale américaine et s’engager à lui fournir toutes les données appropriées concernant leurs clients ou actionnaires. En second lieu, les NFFEs devront certifier ne pas avoir d’actionnaires américains visés par FATCA, ou fournir certaines informations assurant l’identification adéquate des actionnaires américains en question.
Ces informations seront utilisées par les autorités fiscales américaines pour veiller à ce que ces actionnaires américains respectent leurs obligations fiscales aux États-Unis (et n’éludent donc pas d’impôts américains). A défaut de respect des conditions posées par FATCA, une retenue à la source punitive de 30% sera appliquée. Cette retenue ne pourra être réduite par application de conventions préventives de double imposition, et l’on s’attend à ce que toute procédure de remboursement soit longue et complexe

Exemples

1er exemple
Une société belge non cotée en bourse a trois actionnaires et reçoit USD 100,000 d’intérêts de source américaine:

  • A est une société américaine cotée en bourse qui détient 40% de la société;
  • B est une société belge qui détient 30% de la société;
  • C est une société luxembourgeoise qui détient 30% de la société.

A certifie qu’elle est une société cotée et n’est pas traitée comme un bénéficiaire américain pour l’application de FATCA. B certifie qu’elle n’a pas d’actionnaire américain substantiel. C décide de ne pas certifier qu’elle n’a pas d’actionnaire américain substantiel. Comme la société ne peut pas certifier l’existence d’éventuels actionnaires américains substantiels, l’intégralité du montant est soumise à une retenue à la source de 30%.

2e exemple
Une société américaine active dans le secteur pharmaceutique paie une licence de USD 100,000 à une société belge pour l’utilisation d’un produit breveté par la société israélienne. La société américaine ne prélève pas de retenue à la source sur la base de la convention préventive de la double imposition, soit un montant net de USD 100,000.
Si la société belge, qui qualifie comme NFFE, ne certifie pas à la société américaine qu’elle n’a pas d’actionnaire substantiel américain, ou alternativement ne fournit pas les informations requises pour de tels actionnaires, le paiement sera soumis à une retenue de 30%, sans pouvoir bénéficier de la réduction à 0% prévue par la convention.

3e exemple
Une société belge de production de papier (Paperco) a un dépôt bancaire auprès de la succursale belge d’une grande banque américaine. Paperco a trois actionnaires à parts égales:

  • A, une personne physique résidente belge;
  • B, une personne physique résidente belge qui a travaillé l’année précédente au bureau américain de Paperco;
  • C, un trust américain détenu à parts égales par un couple de résidents américains.

Paperco qualifie de NFFE et, pour éviter la retenue de 30% sur les paiements d’intérêts de sa banque, devra fournir à la banque le nom, l’adresse et le numéro d’identification fiscale américain de:

  • B, puisqu’il remplit le critère de « présence substantielle »;
  • C, parce qu’il détient directement plus de 10% de Paperco;
  • Le couple de résidents américains, puisqu’ils détiennent chacun indirectement au moins 10% de Paperco.

4e exemple
Un avocat du bureau de Bruxelles d’un cabinet américain passe une semaine aux Etats-Unis pour travailler sur un dossier. Le bureau de Bruxelles est payé USD 10,000 par la firme américaine pour ce travail. A moins que le bureau de Bruxelles, une entité étrangère et une NFFE, ne fournisse la certification qui s’impose, la firme américaine devra opérer une retenue de 30%, et seul un montant de USD 7,000 pourra être payé au bureau de Bruxelles.

Impact

FATCA générera sans aucun doute de nombreux défis de nature diverse:

  • légale (compatibilité avec la législation sur la protection des données);
  • technique (adaptation des systèmes IT aux nouvelles exigences);
  • fiscale (ex. éligibilité de certains paiements).

À ce titre, son respect exigera une approche pluridisciplinaire. Les protagonistes désireux de respecter scrupuleusement la nouvelle législation doivent être prêts à consentir de lourds investissements dans les systèmes, le reporting, la formation, etc., autant d’investissements qui, pour certains, pourraient s’avérer extrêmement onéreux. Il s’agit toutefois du prix à payer pour éviter le précompte punitif et pour conserver son attrait aux yeux des investisseurs américains sans pénaliser les investisseurs non américains.
Les entreprises ne doivent pas attendre l’entrée en vigueur de ces réglementations pour commencer à évaluer leurs besoins et les coûts associés à la mise en conformité à FATCA. En procédant à une évaluation adéquate des risques et en déterminant les modifications nécessaires pour leurs systèmes, les organisations se doteront du niveau de renseignements requis pour faire face aux exigences du nouveau régime de précompte et de reporting de FATCA.

Stéphane Jourdain (Deloitte)

Poster un commentaire

*