Les nouvelles mesures fiscales sont arrivées!

Un trou budgétaire de 11,3 milliards à combler, une attente de plus de 500 jours et d’innombrables rebondissements ont finalement mis les négociateurs d’accord sur les réformes nécessaires à la bonne marche de notre pays. « Tout vient à point à qui sait attendre », et l’issue des négociations budgétaires de ce samedi 26 novembre confirme ce proverbe. Bref état des lieux des mesures proposées.

Etant donné l‘importance de la réforme, nous nous contenterons d’expliciter les mesures ayant trait à l’impôt des sociétés ainsi qu’aux quelques propositions qui, bien que ne pouvant être considérées comme s’y rattachant, ont une incidence certaine sur nos sociétés. Précisons sans détours que ces mesures doivent encore être confirmées et que leur entrée en vigueur dépendra de la longueur du processus législatif. Néanmoins, cette esquisse permettra au lecteur d’éviter une mauvaise surprise une fois ce jour arrivé.

Déduction pour capital à risque: une importante limitation

Faisant l’objet de vives critiques depuis un certain temps, les négociateurs ont décidé d’y répondre en modifiant le régime des intérêts notionnels. La première mesure vise à limiter le pourcentage de déduction à 3% pour les grandes entreprises et 3,5% pour les PME. Comme par le passé le pourcentage de déductibilité sera fonction des taux OLO à 10 ans, toutefois, celui-ci ne pourra plus dépasser les plafonds précités. En outre, les acteurs politiques ont décidé d’abolir la possibilité de report de la déduction pour capital à risque excédentaire sur les exercices imposables ultérieurs. Ceci ne devrait pas empêcher le report des excédents d’intérêts notionnels constitués avant l’entrée en vigueur de la réforme. Bien que reportables, ces derniers seront soumis à des règles de report limitées. En effet, la masse excédentaire deviendra une opération du calcul de l’impôt à part entière dans la déclaration fiscale, ce situant juste avant le calcul des taux. Cette déduction sera limitée à 60% de la base taxable telle que calculée juste avant cette opération, sans que cette limite ne s’applique sur le premier million d’€uros de cette base. L’excédent d’intérêts notionnels non utilisé suivant cette exclusion restera reportable sur les exercices d’impositions suivants.
On notera toutefois que, contrairement à certains attentes, aucune exigence en matière de retombées pour l’emploi n’est introduite.

Plus-values sur actions détenues par des sociétés: une période minimale de détention

En ce qui concerne les plus-values sur actions détenues pas des sociétés, l’exemption contenue dans l’article 192 CIR’92 est maintenue mais est désormais soumise à une condition de détention minimale d’une année.
A défaut de respect de cette règle de détention minimale, les plus-values seront sujettes à une taxation proportionnelle au taux de 25%. Il n’est pas clair à date quel sera l’impact de cette taxation lorsque la société ayant réalisé la plus-value dispose de déductions fiscales (reportées).

« Les nouvelles mesures ne devraient pas empêcher le report des excédents d’intérêts notionnels constitués avant l’entrée en vigueur de la réforme. »

Ce régime rejoint les régimes fiscaux appliqués au Luxembourg, en Espagne en Italie et en Irlande, il n’est donc pas question d’un régime faisant exception au niveau international. Il faut préciser que les plus-values sur actions devraient rester exonérées dans le chef des personnes physiques (selon le même régime que celui que nous connaissons aujourd’hui).

La règle de sous-capitalisation: une généralisation

Selon le régime en vigueur actuellement, l’article 198, 11° CIR’92 dispose une limitation à la déductibilité des intérêts d’emprunt lorsque leur bénéficiaire effectif bénéficie d’un régime fiscal avantageux ou qu’il n’est pas imposé sur les revenus en question. Dans pareille situation, les intérêts ne sont pas déductibles dans la mesure du dépassement d’un ratio dette/capital de 7/1. Néanmoins, les obligations et autres titres analogues émis par appel public à l’épargne doivent être exclus.
L’accord du 26 novembre comprend une diminution du ratio susvisé à 5/1 ainsi que l’annulation de la condition de bénéficiaire effectif telle que mentionnée ci-dessus. Toutes les dettes intra-groupe nous paraissent donc soumises à ces nouvelles règles de sous-capitalisation.

344 §1 CIR’92: une véritable disposition anti-abus

Ce dispositif légal a fait couler beaucoup d’encre depuis son entrée dans le dispositif légal belge. D’abord crainte, puis très vite dépassée, cette mesure dite « anti-abus » n’en a jamais eu de caractéristique que l’appellation.
Par l’enclenchement de son premier paragraphe, l’administration est autorisée à requalifier un acte juridique lorsqu’elle prouve que cette qualification a pour but d’éluder l’impôt. Une requalification telle qu’évoquée dans cet article a rencontré un obstacle de taille: les effets juridiques de(s) acte(s) de requalification doivent être similaires à ceux du/des acte(s) requalifié(s).

« Le précompte mobilier se trouve sévèrement modifié par les mesures négociées. »

A dessein de rendre ce dispositif réellement opérationnel, il a été décidé qu’il ne sera plus nécessaire de prouver l’existence d’effets juridiques identiques ou similaires en droit civil. Bien que la portée d’un tel amendement soit encore floue, il pourrait s’agir de la plus importante réforme issue de ces négociations de par ses répercussions en termes d’augmentation de litiges aboutissant dans les prétoires, compte tenu du caractère éminemment subjectif d’une telle mesure « substance over form ».

Les autres mesures

 
Le précompte mobilier se trouve également sévèrement modifié par les mesures négociées. Les dividendes soumis actuellement à un précompte de 15%, seront taxé à 21%. Les dividendes des sociétés cotées, de certaines sociétés d’investissement ainsi que les « strip-VVPR » sont concernés. Les intérêts devraient être, quant à eux, précomptés à 21% au lieu de 15% aujourd’hui, exceptés les bons d’Etat et les carnets d’épargne. Il résulte de ce qui précède que le taux de précompte mobilier commun aux intérêts et dividendes est maintenant de 21%. Il en va autrement des précomptes actuellement à 25% qui restent à ce taux.
L’évaluation de l’avantage en nature reçu sous forme de « stock options plan » est augmentée de 3% pour s’élever à 18% de la valeur des options telle qu’évaluée par la loi du 26 mars 1999. La base imposable correspondante s’en trouve d’autant augmentée.
La taxe sur les opérations de bourse voit ses taux ainsi que ses plafonds d’exemption augmentés de 30%. Le taux normal passe ainsi à 0,22% et le taux réduit à 0,09%. Pour les actions de capitalisation le taux passe à 0,65%. Les plafonds passeront quant à eux à 975€ pour les actions de capitalisation et à 650 € pour les autres.
Enfin, les avantages en nature que représentent les véhicules de société devraient également connaitre une importante modification. Cet avantage devrait être calculé sur base de la valeur facturée (TVA comprise) du véhicule avec ses options sans tenir compte des remises, rabais et ristournes. Cette valeur devrait être multipliée par un coefficient de CO2 pouvant varier de 4% à 18% en fonction de la quantité de grammes de CO2 émise par kilomètre parcouru sans que l’avantage ne puisse être inférieur à 1.000 € par an à indexer.

Conclusion

Après ce passage en revue des quelques mesures sélectionnées, nous pouvons dire que la hausse des impôts tant redoutée devrait arriver dans les prochaines semaines… Un mal pour un bien? Nous l’espérons…

Texte: Stéphane Jourdain et Geoffroy Galea

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